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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/652

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que l’histoire de son talent l’histoire de l’art français au XVIe siècle, cesseront-ils d’avoir droit de cité à la Bibliothèque pour cet unique motif qu’au lieu d’être le produit du burin ils ont été faits avec une plume ? Depuis les célèbres cartes dites de Charles VI jusqu’aux modèles fournis par David pour les cartes républicaines, tout ce que le pinceau des miniaturistes ou le crayon des dessinateurs a pu ajouter de renseignemens curieux à ceux que contiennent les suites gravées de tarots ou de cartes numérales devra-t-il être distrait de cette riche collection pour aller prendre place parmi les dessins des maîtres, au risque d’y demeurer inutile, sinon inaperçu ? — On pourrait à ce sujet multiplier indéfiniment les questions et les exemples. Il suffira de faire remarquer que le public, les artistes, les savans, jugent apparemment très légitime la présence des dessins à la Bibliothèque, puisque les pièces de ce genre lui sont ordinairement léguées de préférence à d’autres établissemens. Pour ne rappeler que deux faits entre les plus récens, c’est le département des estampes qui a reçu tous les dessins de Mazois sur Pœstum et sur Pompéi et le précieux recueil d’études d’après le Panthéon de Rome dont M. Achille Leclère avait fait pendant tant d’années son travail de prédilection.

Qu’on ne songe donc ni à exiler le département des estampes de la Bibliothèque, sa patrie naturelle, ni à le mutiler sur place en prétendant le réformer. Essayer de changer les conditions qui le régissent serait faire plus que courir une aventure, ce serait certainement tenter une entreprise nuisible aux intérêts du public studieux et compromettre au moins le fruit de tous les efforts accomplis depuis le XVIIe siècle. Comme l’académie de France à Rome, comme d’autres belles institutions dont l’origine remonte à la même époque, le département des estampes n’est pas seulement un noble survivant du passé, un témoignage consacré des grandeurs et des anciennes mœurs de notre patrie ; il est aussi dans le présent une nécessité et pour l’avenir une garantie. Sans l’influence qu’exercent sur notre école les souvenirs rapportés de Rome et les exemples donnés par les pensionnaires de la villa Médicis, le niveau des talens et des doctrines ne tarderait pas chez nous à s’abaisser ; l’art français peut-être en arriverait bien vite à suivre, au hasard du moment, les futiles inspirations de la fantaisie ou à confondre avec l’expression épurée du vrai l’imitation littérale de la réalité vulgaire. Sans les enseignemens positifs, sans les secours scientifiques que lui offre le département des estampes, il courrait le risque de devenir aussi infidèle à ses propres traditions qu’oublieux des lois éternelles pratiquées par les maîtres de tous les pays, prescrites par les chefs-d’œuvre de tous les temps. L’histoire à son tour et