Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/727

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre 1872.

S’il y a un spectacle douloureux, désolant, et on peut même dire offensant pour tous ceux qui se font un devoir de mettre les nécessités du patriotisme au-dessus des préférences d’opinions et des fantaisies personnelles, c’est celui qui se déroule devant la France étonnée et silencieuse depuis quelques jours, depuis que l’assemblée est rentrée à Versailles.

Des passions, des animosités querelleuses, des conflits, l’existence d’une nation jouée sur un coup de dé, des votes disputés et confus qui n’éclaircissent rien, et qui peuvent à chaque instant laisser sombrer la paix publique dans une équivoque de scrutin, voilà trois semaines bien employées ! Et ce spectacle n’a pas malheureusement pour unique témoin le pays, qui est à la fois spectateur et victime, qui en est à se demander ce qu’on veut faire de lui ; il y a un autre témoin, c’est l’étranger qui reste encore campé à deux pas sur notre sol, qui est notre créancier et notre surveillant, qui peut regarder tranquillement après tout parce qu’il a pris ses gages contre nos divisions et nos folies, parce qu’il peut même au besoin, si on lui en donne le prétexte, rentrer dans les départemens qu’il a quittés. Il y a un troisième témoin, si l’on veut, c’est l’Europe, qui s’est montrée sans doute indifférente dans les épreuves que nous avons traversées, mais qui ne peut pas se désintéresser de nos affaires, qui sent bien que la France est un des ressorts nécessaires du monde civilisé, qui suit nos luttes et nos efforts avec une attention sympathique ou inquiète. Ce n’est point assurément le pays qui a demandé qu’on le ramenât à ces divisions et à ces agitations. Il y a un mois à peine il vivait tranquille. Il voyait l’occupation étrangère se retirer de deux départemens. Il se disait qu’avec la paix, avec un peu de modération patriotique dans les partis, avec un peu de bonne volonté chez ceux qui le représentent et chez ceux qui le gouvernent, on pouvait arriver à une libération complète du territoire et à une condition inté-