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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/806

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sions pour soutenir son ardeur, assez de fermeté pour ne pas craindre les déceptions. Les deux frères étaient chargés par le ministre de l’instruction publique d’une mission scientifique, — une mission qui ne coûtait absolument rien à l’état et n’avait d’autre avantage que d’assurer aux voyageurs bon accueil près des autorités, considération près des habitans. MM. Grandidier visitèrent les parties les moins fréquentées du Pérou, de la Bolivie, du Chili, du Brésil, et cinq fois ils franchirent les Cordillères. Ils s’étaient préparés à descendre le rio Madre de Dios jusqu’à l’Amazone et à traverser ainsi une immense région encore inconnue. Ce beau projet échoua par suite de la dispersion des gens de l’escorte ; plusieurs avaient succombé à la maladie, les uns ensuite avaient pris peur et s’étaient sauvés, les autres, épuisés de fatigue, se refusèrent à marcher. Sans avoir donné tous les résultats qu’il était permis de souhaiter, le voyage cependant n’a pas été stérile ; des études sur les mœurs et les usages des populations, des recherches de minéralogie et de botanique ont été très favorablement appréciées[1]. M. Alfred Grandidier estime qu’il n’a fait qu’un premier pas, et, maintenant seul, il poursuivra longtemps encore la carrière des voyages. Au retour d’Amérique, il avait pris la résolution de visiter une autre partie du monde ; les contrées méridionales de l’Asie l’attiraient ; dès les premiers jours de l’année 1862, il s’embarque pour l’Inde. En ce pays, dont les richesses de tout genre ont prodigieusement occupé les savans, aucun sujet ne le frappe par le caractère de la nouveauté ; le voyageur, sans doute un peu déçu, ne perd pas courage, et consacre deux années à l’étude des idiomes et de l’histoire des Hindous, — excellente préparation à des recherches qui plus tard seront entreprises sur un terrain moins fouillé que la patrie des adorateurs de Vishnou. Affaibli par des fièvres contractées dans les jongles de l’île de Ceylan, M. Grandidier quitte l’Asie, et s’arrête sur la côte orientale d’Afrique. Un séjour à l’île de Zanzibar est l’occasion d’observer une faune intéressante, de noter d’utiles remarques sur la flore, d’examiner des hommes de différentes races, de recueillir des documens sur le commerce du pays. Le voyageur avait parcouru de vastes espaces de l’ancien et du nouveau monde, et, s’apercevant alors qu’il ne suffit pas d’aller loin pour faire de brillantes découvertes, il songeait à s’aventurer chez les peuples sauvages. Un moment, le bruit de la reconnaissance des sources du Nil par le capitaine Speke lui donne le désir de visiter le fameux

  1. La relation du voyage, rédigée par l’aîné des deux frères, M. Ernest Grandidier, a paru en 1861 ; Paris, Michel Lévy. — À la fin de l’ouvrage, on trouve des rapports ou des remarques de divers savans sur les collections minéralogique, zoologique et botanique formées par les deux voyageurs.