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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/808

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Denis, un navire se disposait au départ ; le capitaine, marin hardi, d’humeur enjouée, gai compagnon, propose à M. Grandidier d’être de l’expédition. Il verra un pays qui ne peut charmer personne, mais qui doit piquer la curiosité d’un voyageur en quête de l’inconnu. C’est la région que Flacourt a signalée comme la plus sauvage de la grande île africaine, la région que les investigateurs modernes ont absolument négligée ; — une importante étude de géographie reste à faire. La proposition du capitaine avait été bien vite acceptée ; on met à la voile, et le quatrième jour, passant très près de la terre, la baie de Tolaonara s’offre à la vue, les maisons du village apparaissent, et, mieux encore, sur l’emplacement du fort Dauphin, un palais à deux étages entouré de galeries de bois et surmonté d’une toiture en pyramide : c’est la résidence du gouverneur ova. Voilà donc le territoire des Antanosses jadis occupé par les colons français, pays aujourd’hui abandonné des habitans, qui la plupart ont voulu se soustraire à la domination des Ovas. Beaucoup d’entre eux vont se mettre au service des colons de l’île Bourbon, et contractent un engagement de dix années. Ainsi se trouvent sur le navire une cinquantaine d’Antanosses libérés, portant un petit pécule. Les pauvres gens reviennent au pays natal, mais ils ne débarqueront ni au fort Dauphin ni à la baie de Manafiafa : les chefs, les parens, les amis sont partis ; ils iront jusqu’à la baie de Saint-Augustin pour gagner ensuite, après plusieurs jours de marche, le campement des Antanosses émigrés.

II.

Aux alentours du fort Dauphin, on ne l’a pas oublié, il y a des montagnes d’un aspect imposant, une végétation belle et puissante ; au sud et à l’ouest, c’est un sol sablonneux, nu, stérile. Devant le cap Sainte-Marie, la pointe australe de la grande île, des bancs de roche sans cesse battus des vagues défendent l’accès du rivage. En certains endroits, la plage n’a pas plus de quelques mètres : les dunes s’élèvent tout au bord de la mer comme une seule masse à deux étages séparés par un large plateau, avec un sommet rectiligne ; à distance, on croirait voir des fortifications. Des coquilles réduites en poudre impalpable forment les faluns, et sur les pentes se montrent dans la poussière, au milieu de débris de coquilles terrestres, des fragmens de ces œufs énormes qu’on a découverts il y a vingt ans. On n’aperçoit ni un village, ni même une habitation isolée sur toute la côte, l’eau douce fait absolument défaut. Il est donc permis de se demander ce que peuvent venir chercher des navires en de tels parages ; on va le savoir. Dans la misérable contrée,