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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/812

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Les princes et les princesses s’entassent dans la cabane et contemplent à l’aise le nouveau-venu : les gens qui restent dehors, un peu contrariés, trouvent vite le moyen de ne pas se priver du même avantage ; en un clin-d’œil, les planches formant les parois de la hutte, simplement retenues par deux tringles, disparaissent, et bientôt il ne reste que le toit. Le voyageur dut bien se fâcher pour faire remettre l’édifice en état ; après tout, il importait qu’il s’habituât promptement à ne point craindre les tribulations. Assailli par les parens et par les parentes du roi sollicitant de petits cadeaux qui cimentant l’amitié, il donne des colliers de venoterie, des clous dorés ; prend-il, assis au milieu d’une nombreuse assemblée, son repas composé d’une vieille poule et d’un plat de riz cuits à l’eau, des yeux avides lui rappellent que, pour conserver les bonnes grâces des Antandrouïs, il ne doit pas oublier de faire avaler de temps à autre une bouchée à chaque prince et à chaque princesse. Quand vint le soir, la peine fut grande pour se débarrasser de tout ce monde, qui ne se piquait pas de discrétion.

Très pressé de se livrer à une exploration scientifique du pays, M. Grandidier n’accordant au sommeil que les heures indispensables avait pris ses dispositions de bon matin. Le roi Tsifanihi et son plus jeune fils, suivis de plusieurs esclaves, vont accompagner l’étranger dans sa chasse. On se met en route en marchant vers le nord. Les plantations de nopals s’étendent jusqu’à une grande distance ; chaque année, les habitans s’attachent à les accroître. Entre ces végétaux, il pousse un peu d’herbe, ce qui permet d’élever ou du moins d’engraisser quelques bœufs. L’absence d’eau est un obstacle à la multiplication du bétail ; sur de vastes espaces de la région du sud et du sud-ouest de la Grande-Terre, les indigènes n’ont pendant plusieurs mois qu’un moyen d’obtenir un peu d’eau bourbeuse : ils pratiquent dans le sable des trous d’une certaine profondeur ; par des suintemens, l’eau s’accumule, et on la puise dans des calebasses. Souvent cette misérable ressource vient à manquer ; les trous tarissent, il ne reste pour se désaltérer que les figues de Barbarie. Dans les localités où le sol n’est pas entièrement sablonneux, il existait autrefois des arbres ; la végétation naturelle a été détruite par le feu afin de semer du millet, des haricots, des courges, des citrouilles. À cause de la sécheresse, ces plantes languissent, les récoltes sont mauvaises ; les indigènes, réduits à faire griller le millet, préfèrent parfois le broyer tout cru entre les dents. Notre voyageur lui-même se vit obligé de se contenter de ce genre d’alimentation. En été, lorsqu’on est privé du bienfait de la rosée, les courges forment une réserve précieuse ; mûries à l’excès ou pourries, la pulpe liquéfiée sert de breuvage aux malheureux continuel-