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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/876

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L’Académie ne perdait pas de vue la nécessité de prolonger l’arc d’un degré mesuré par Picard entre Malvoisine et Amiens. De 1683 à 1718, cet arc est étendu par Dominique Cassini et Lahire dans le nord, jusqu’à Dunkerque, dans le sud jusqu’à Collioure. Ces mesures ayant donné un résultat contraire à la notion de l’aplatissement du sphéroïde terrestre aux deux pôles, les astronomes français ne reculèrent pas devant la pénible tâche de recommencer le grand travail exécuté par deux d’entre eux. En 1739, Cassini de Thury et Lacaille reprenaient tout le travail de Dominique Cassini et de Lahire : c’est ce qu’on nomme la méridienne vérifiée, qui sert de base à la première carte générale de la France, dite carte de Cassini. Cette triangulation, contrairement à celle de leurs prédécesseurs Dominique Cassini et Lahire, confirmait la théorie de l’aplatissement du globe. Pour la mettre hors de doute ou la condamner sans retour, l’Académie fait un nouvel appel au savoir et au dévoûment de ses membres. Sans attendre l’achèvement de la vérification du méridien français, Bouguer, La Condamine et Godin étaient partis pour le Pérou en 1735 ; ils y séjournèrent dix ans pour mesurer près de l’équateur un arc de 3 degrés entre Quito et Cuença. Cette triangulation, d’accord avec la méridienne vérifiée, montrait que les degrés mesurés sur la terre sont plus longs dans les latitudes moyennes que sous l’équateur ; en effet, l’arc de Malvoisine à Amiens, mesuré par Picard, était de 57 600 toises, l’arc péruvien de Bouguer et La Condamine de 56 737 toises seulement.

Tandis que ces deux astronomes opéraient au Pérou, cinq de leurs confrères, Maupertuis, Clairaut, Camus, Lemonnier et Outhier, mesuraient en plein hiver un arc en Laponie, le long du fleuve Tornéo, entre la montagne d’Ava-Saxa et le village de Pello, sous le 66e degré de latitude. Leurs opérations, vérifiées depuis par une commission de savans suédois que présidait l’astronome Svanberg, donna 57 196 toises pour la longueur de l’arc lapon, c’est-à-dire 136 toises de plus qu’à Paris et 459 toises de plus qu’au Pérou. L’aplatissement du sphéroïde terrestre devenait donc un fait incontestable. La valeur de cet élément dans l’état actuel de nos connaissances est de 1/295e ; par conséquent, si on suppose le diamètre de l’équateur divisé en 295 parties égales, l’axe qui va d’un pôle à l’autre n’en contiendra que 294. On conçoit l’importance de ces données pour la détermination de la circonférence, du volume, du poids et de l’état antérieur de la planète que nous habitons.

Quand on songe à cet ensemble de travaux scientifiques conçus, exécutés, discutés, comparés les uns aux autres par les membres de notre ancienne académie, on ne peut se défendre d’un profond sentiment d’estime pour ces serviteurs si dignes et si dévoués de la science, mettant en commun leur savoir, leur expérience, leurs