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Depuis que la Bibliothèque du roi avait été, sous le règne de Charles IX, transférée de Fontainebleau à Paris, elle avait eu dans cette ville même plus d’un voyage à faire, plus d’un emménagement provisoire à subir. Placée d’abord rue Saint-Jacques dans les bâtimens du collège de Clermont, que les jésuites venaient d’évacuer, puis dans une grande salle du cloître des cordeliers, elle occupait, sous le règne de Louis XIII et pendant les vingt-trois premières années du règne de Louis XIV, une maison que les cordeliers possédaient rue de la Harpe, assez près de l’église de Saint-Côme. En 1666, Colbert consacra « les maisons au bout de ses jardins » rue Vivienne, ou plutôt rue Vivien, comme on disait alors, à une nouvelle installation de cette bibliothèque du roi, enrichie déjà par ses soins de tant de livres et de tant de manuscrits précieux, et dont il allait, dans le cours de l’année suivante, compléter les collections par l’adjonction des estampes acquises de l’abbé de Marolles. Le moment vint cependant où ces maisons se trouvèrent trop petites pour contenir tout ce qui d’année en année y affluait. En vain l’Académie des Sciences avait cédé aux livres la salle tout entière où, depuis l’époque de sa fondation, elle tenait ses séances, et le laboratoire qui y attenait ; en vain les bibliothécaires s’ingéniaient, à chaque acquisition ou à chaque donation nouvelle, pour en mettre les diverses parties à la portée des regards ou de la main. Quoi qu’on fît, on en était à peu près réduit à la nécessité d’entasser les objets, au fur et à mesure de leur entrée, sans autre classement qu’une répartition en bloc, comme cela avait eu lieu pour les collections de Gaignières, sans autre arrière-pensée chez personne que d’empêcher quant à présent la Bibliothèque de déborder.

Les choses en étaient là lorsque l’abbé Bignon entra en fonctions (1719), et tout d’abord il s’efforça d’obtenir pour la Bibliothèque un logis mieux approprié à ses besoins. Il lui fut facile de faire ressortir les inconvéniens du régime d’alors et l’urgence de mesures capables d’y mettre fin ; mais, le mal une fois démontré, restait à indiquer le remède. Ni l’abbé Bignon ni ceux qu’il avait intéressés à sa cause n’étaient sans incertitude sur ce point. Fallait-il revenir au projet, conçu par le ministre Louvois et abandonné depuis 1699, d’utiliser pour les collections du roi quelques-uns des hôtels construits autour de la place Vendôme ? Était-ce au Louvre qu’on devait demander asile ? On s’arrêta un moment à ce dernier parti, et déjà les préparatifs se faisaient en vue d’une installation prochaine lorsque l’arrivée de l’infante, fiancée à Louis XV, vint mettre de ce côté toutes les espérances et tous les projets à néant.

Force fut donc de chercher ailleurs, mais cette fois on n’eut à chercher ni loin ni longtemps. En face de la Bibliothèque, à l’angle