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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/992

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des opinions du dehors ont amené une liberté et une diversité de sentimens religieux dont ne s’accommodent pas les églises d’état. Cette anarchie ne saurait durer sans causer un mal profond ; et sur ce point l’esprit public est résolu à exiger les réformes : il serait déplorable que la part d’autorité laissée au clergé réuni en synode vînt arrêter quelque temps encore un changement nécessaire. Le paragraphe 15 de la loi sur la Forme du gouvernement impose au roi de « ne pas opprimer ni laisser opprimer les consciences, mais de maintenir chacun dans le libre exercice de sa religion, en tant que la tranquillité publique n’en est point troublée, ou qu’il n’en résulte pas de scandale public. » Nous ne sommes plus au temps où un gouvernement pourrait, d’accord avec une église officielle, abuser de ces derniers mots pour se réserver une dangereuse ingérence dans le domaine des choses religieuses ; nous sommes sur ce sujet plus scrupuleux qu’on ne l’était jadis, et plus respectueux de ce qui doit être respecté. Les sociétés modernes n’ont rien inventé de plus parfait en vue du bon ordre si désirable en une telle sphère que l’institution du mariage civil, qui se concilie avec une entière indépendance religieuse. S’il n’est pas permis encore d’espérer pour la Suède qu’elle admette prochainement un tel progrès, bien que beaucoup de bons esprits en aient exprimé le vœu dans la diète, on ne saurait trop déclarer cependant, afin de ne pas donner le change, que le gouvernement et la représentation nationale sont tout prêts, chacun pour ce qui le concerne, à hâter l’heure d’une réforme vivement souhaitée.

Une autre question sociale non moins importante, et qui préoccupe en Suède les esprits, est relative aux droits de la femme. On lit beaucoup les livres anglais à Stockholm, on y a beaucoup lu particulièrement le livre de M. Stuart Mill sur la subordination de la femme, œuvre d’utopiste assurément, mais toute trempée de l’esprit moderne et, ajoutons-le, tout inspirée du génie des races du nord. L’utopie, de la part de M. Stuart Mill, consiste à oublier, au profit d’une solution brillante du problème, quelques-unes des principales données sur lesquelles il repose. Il rêve un état social qui, en rendant un entier hommage, en offrant un libre épanouissement aux qualités intellectuelles de la femme, lui assure de la sorte tout au moins l’égalité avec l’homme. Il semble avoir oublié, — jusqu’à faire de la femme un être presque immatériel, — que la nature elle-même a voulu lui réserver une série de devoirs spéciaux qui, tout en l’exaltant et en devenant son honneur, ne lui assignent pas la supériorité intellectuelle comme unique ou même comme principal but. Ce n’est pas lui qui commencerait par dire : La femme est une malade, — et qui raisonnerait d’après ce point de