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propriété, parce que la sûreté publique et privée en serait menacée, de même parmi les nations européennes chaque état a consenti à des restrictions de sa liberté d’agir à titre de bon procédé envers ses voisins, pour maintenir avec eux l’harmonie des relations, et pour dissiper jusqu’aux ombrages qu’une attitude menaçante et une force excessive font naître naturellement. De là vient que, lorsqu’un état fait des armemens, on est en droit de lui demander des explications, et, si les réponses ne sont pas satisfaisantes, chacun s’arme de son côté et suit les conseils de la prudence pour n’être pas surpris par les événemens. Ces restrictions de la liberté sont la garantie de la paix, de la sûreté, de la civilisation. Les guerres d’équilibre sont même autorisées ; elles ont remplacé dans la civilisation moderne les guerres de conquêtes et d’invasion qui sont un abus de la force et un retour à la barbarie. L’application de ces principes du bon sens public et de ces lois de sûreté générale a été l’objet des mémorables traités qui forment le droit des gens européen. Un intérêt supérieur a fait consacrer à Osnabruck la liberté des états germaniques contre les prétentions absolues de l’empereur d’Allemagne ; il a fait prohiber à Utrecht le cumul des couronnes ; il a dicté le traité du 30 mai 1814. L’exercice de la liberté des états en Europe a donc des limites, comme l’exercice de la liberté individuelle dans le sein de chaque état. La détermination de ces limites est l’œuvre délicate de la sagesse diplomatique et le bienfait de la civilisation. Lorsque disparaissent à cet égard certaines garanties, la liberté, la sûreté des états est compromise, la civilisation rétrograde, et voilà pourquoi les lois de la raison politique ont sur ce point été converties en traités solennels par les nations policées de l’Occident. Le règlement si discuté de la confédération germanique au congrès de Vienne en 1815 n’a pas eu d’autre motif que celui de balancer les forces de l’Europe occidentale ; c’était la continuation des conventions de Westphalie, c’était la loi monumentale de la sûreté européenne. L’ignorance et la légèreté pouvaient seules en contempler l’abrogation sans équivalent acceptable ou sans observation. Quand après Sadowa l’équilibre des nations européennes a été si soudainement et si sérieusement menacé, la France s’en est donc justement émue, et, quoiqu’un peu tard peut-être, elle a imposé d’abord les préliminaires de Nikolsbourg, puis la paix de Prague, qui ont rassuré l’Europe, un moment du moins. Les préliminaires de Nikolsbourg ont été signés le 26 juillet, et dès le 14 de ce mois notre ministre des affaires étrangères en notifiait d’avance les articles à tous nos agens diplomatiques, comme pour apprendre à l’Europe que la paix était due à l’intervention de la France, qui avait pris souci de