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l’Occident, les Mongols, à la grande surprise du dominicain Ascelin, s’en moquaient, « les regardant comme de chétifs valets, indignes de toute réponse, les tenant comme des chiens. » Les puissances temporelles n’étaient pas mieux traitées que les membres du clergé. Aussi Jean du Plan de Carpin appelle-t-il les Mongols « les plus superbes et orgueilleuses gens du monde, qui estiment tous les autres moins que rien, quelque grands et nobles qu’ils puissent être. » Souvent les chrétiens durent se rappeler tristement l’accent vainqueur du célèbre testament de Vladimir Monomaque, qui, tout en faisant songer au temps où rien en Russie ne semblait devoir arrêter la marche triomphale des fils de Rurik, donne l’idée la plus curieuse de la vie que les Rurikovitchs menaient au XIIe siècle. Vladimir y dit qu’à la chasse, à la guerre, le jour, la nuit, pendant les chaleurs comme au temps du froid, il était dans une activité continuelle. Il ajoute qu’il a fait vingt-trois campagnes, sans compter les expéditions secondaires ; qu’il a fait prisonniers cent des plus célèbres princes des Polovtzi, qu’il en a fait tuer deux cents. La chasse était son délassement, et quel délassement ! Il attrapait dans les forêts les chevaux sauvages, qu’il attachait ensemble ; il luttait contre les ours et les buffles. « Combien de fois, dit-il, j’ai été renversé par les buffles, frappé du bois des cerfs, foulé aux pieds des élans ! » Un jour sa fille fut déchirée par un ours qui se jeta, sur son coursier.

Les paroles des Mongols étaient en harmonie avec leurs actes. Les curieux discours rapportés par les envoyés d’Innocent IV, par Carpin, par Ascelin, ainsi que par Rubruk, attestent que les Mongols étaient bien convaincus que la domination du monde leur était réservée, et cette conviction ajoutait sans doute à leur puissance déjà si redoutable. Pour eux « l’empereur du globe, » rêvé par le fouriérisme, n’était nullement une chimère. Aussi n’hésitèrent-ils point à combattre les Russes dans le centre même de leur domination. La ruine de Riazan, dont les habitans furent égorgés, l’extermination de la population de Souzdal, une des plus anciennes et des plus illustres cités de la vieille Russie, faisaient prévoir aux Vladimiriens leur sort funeste. Vladimir fut emportée d’assaut, ainsi que quatorze villes de la principauté de ce nom, et ceux qui tombèrent dans les mains des vainqueurs furent massacrés ou réduits en esclavage. Le prince de Vladimir, George Vsélodovitch, succomba lui-même sur les bords de la Site. Son frère Iaroslav profita d’un mouvement rétrograde de Bâtou pour aller de Kiev à Vladimir, afin de prendre possession du trône des grands-princes.

L’écroulement de la puissance russe était un fait trop grave pour que les historiens n’aient pas cherché avec soin les faits qui