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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/875

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se sont produits à la suite de la guerre, embarras incontestables, dont le commerce a beaucoup souffert. Cependant, si les embarras que l’on invoque à l’appui du projet proviennent d’une circonstance de force majeure, s’il est prouvé que les wagons, les magasins, les gares ont fait défaut, et non les rails, l’argument tiré de la nécessité disparaît. Les compagnies du Nord et de Lyon déclarent qu’elles sont en mesure de transporter sur leurs lignes un tonnage de beaucoup supérieur au maximum des oscillations de trafic. Il suffira, pour l’accroissement futur des opérations, d’augmenter l’effectif du matériel roulant, d’agrandir les gares, de dépenser en aménagemens quelques millions. Lorsque la circulation est devenue trop chargée aux abords de Paris, les compagnies n’ont pas hésité à tracer des tronçons parallèles ; leur intérêt les oblige à faire de même sur les autres points de leur réseau où s’accroissent avec le trafic les besoins de leur service : le gouvernement d’ailleurs sait bien les y forcer. L’intérêt public, en ce qui concerne la circulation, ne demande pas davantage, et il y aurait vraiment prodigalité à autoriser une dépense de 500 millions pour doubler sans nécessité absolue des lignes existantes. Ce capital que l’on nous offre peut être consacré à des emplois plus urgens.

D’autres argumens sont invoqués. On proclame le principe de la concurrence, et on le pratique immédiatement dans le prospectus en annonçant une baisse de tarifs. La concurrence, dit-on, est l’âme du commerce, la source des perfectionnemens, l’enseigne du progrès. Nous essaierons d’expliquer plus loin comment la concurrence opère dans l’industrie des voies ferrées, et de montrer par des exemples qu’elle n’y produit pas les effets que l’on suppose ; mais il convient d’examiner avant tout si les contrats intervenus entre l’état et les compagnies permettent que cette concurrence soit autorisée, car la question n’est pas entière, il y a des engagemens qui doivent être respectés. — En traitant avec l’état et en signant les cahiers des charges, les premiers concessionnaires durent compter que les calculs sur lesquels était fondée leur opération ne seraient pas faussés par des concurrences qui diminueraient les recettes nécessaires pour rémunérer le capital. Autrement il ne se serait rencontré aucun capitaliste pour entreprendre ce genre d’affaires, aucun actionnaire pour s’y associer. Si par exemple le concessionnaire de Paris à Amiens ou de Paris à Orléans avait pu croire que l’état laisserait s’établir des chemins parallèles, il se serait abstenu ou il aurait exigé d’autres conditions de construction, d’exploitation et surtout de tarifs. Les conventions ne contenaient aucune disposition à cet égard, elles réservaient au contraire expressément le droit de l’état pour l’ouverture d’autres lignes ; mais il était certain que l’état n’userait de ce droit que dans le cas de