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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/235

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cer le traité de Francfort pour se dispenser de payer les 3 milliards.

La France n’a pour le moment qu’une préoccupation, qu’un devoir et qu’un but : se relever de ses malheurs, refaire son organisation intérieure et ses finances, reconstituer ses forces militaires, non pour troubler la paix, comme l’a dit M. Thiers, mais pour rester à la hauteur du rôle qu’elle n’est point disposée à déserter, — et tout ceci, elle a l’incontestable droit de le faire ; elle a tellement ce droit, que c’est la puérilité la plus saugrenue d’avoir admis, ne fût-ce qu’un instant, qu’il pût se produire des observations quelconques sur ce point. A la dernière extrémité, il se peut bien sans doute que tout ce qui s’est passé depuis un an ait trompé quelques calculs, qu’on ait été un peu surpris de l’élasticité énergique de notre pays, de ses ressources infinies, de sa promptitude à se remettre sur pied. C’est possible, la France n’a point à s’inquiéter de l’étonnement de ses ennemis ; elle n’a qu’à poursuivre son œuvre avec une patiente résolution, sans bravade et sans forfanterie comme sans faiblesse. C’est pour la France la plus sûre manière de reconstituer sa position en Europe, en faisant sentir à tous le prix de son alliance. Avec ce système de prévoyante et active modération, on peut marcher, il n’y a certainement rien à craindre, on ne nous troublera pas dans ce patriotique et sérieux travail de réorganisation, parce qu’on n’en a peut-être pas la pensée, parce qu’on ne l’oserait point en tout cas, parce que toute tentative que rien ne justifierait, qui ne serait qu’un abus criant de la force, ferait immédiatement de la France la personnification vivante de tous les droits menacés, de toutes les inviolabilités nationales.

Qu’on remarque bien à quel point tout se lie dans cette œuvre de réorganisation nationale qui s’impose aujourd’hui à la France. Le succès de la politique extérieure tient absolument à la politique intérieure, et c’est justement dans ces termes que l’assemblée retrouve encore la question en rentrant à Versailles, au moment où la chambre et le gouvernement vont avoir à reprendre ensemble ce grand et impérieux travail qui s’accomplit depuis un an. Il y a seulement un progrès qui est fait pour frapper tous les regards, c’est le sentiment décidé, presque tyrannique, de la nécessité du calme ; ce sentiment vient du pays lui-même, il s’impose aux partis, il réduit à l’impuissance tous ceux qui auraient la tentation de réveiller ou d’entretenir des agitations factices. Est-il donc si difficile, dans ces conditions, qui laissent subsister de fort grosses questions, nous ne l’ignorons pas, mais qui sont relativement favorables, est-il si difficile de se mettre à l’œuvre ? Les travaux sérieux et pressans ne manquent pas. La loi militaire est là toute prête, et le pays l’attend ; elle a été ajournée sur la demande de M. le président de la république, qui veut prendre part à la discussion ; cet ajournement toutefois ne peut être que très momentané. Les mesures financières qui doivent