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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/270

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des Gaulois, à des Burgondes, à des Wisigoths, aussi bien qu’aux guerriers francs ; il désignait tous les habitans libres du pays sans distinction de race. Il y a eu des Gaulois francs aussi bien qu’il y a eu des Germains serfs ou esclaves.

Dans la société du VIe siècle, on distinguait déjà une aristocratie ; or les Gaulois en faisaient partie aussi bien que les Germains. Comme il y avait des Francs et des Burgondes nobles, il y avait aussi des Gaulois nobles, et cette qualité leur était reconnue par les codes germaniques eux-mêmes. Nous chercherons plus loin en quoi consistait cette noblesse ; il importe de constater d’abord qu’elle n’a pas son principe dans une supériorité de race. Il n’est pas vrai que les nobles de l’époque mérovingienne fussent des Francs, ni que les non-nobles fussent des Gaulois. Les deux populations se mêlaient à tous les degrés de l’échelle sociale. Croire que les seigneurs féodaux sont les fils des Germains serait une erreur profonde. Il est impossible de dire s’il y eut dans la noblesse française plus de sang gaulois ou plus de sang germanique. La distinction des classes qui a duré jusqu’en 1789 ne fut nullement fondée sur une différence de race, et ne fut pas le résultat d’une conquête. L’inégalité a découlé d’une autre source.


IV. — LES GERMAINS N’ONT APPORTE EN GAULE NI LES INSTITUTIONS DE LA GERMANIE NI L’ESPRIT DE LIBERTE.

Si l’invasion germanique n’est pas la source des institutions féodales, elle ne l’est pas davantage des institutions libres qu’a pu avoir la France. Représenter la population gauloise comme gémissant sous le joug de l’empire romain, représenter d’autre part les envahisseurs germains comme venant infuser en Gaule un esprit nouveau de liberté, c’est là une idée toute moderne dont on ne trouve pas trace chez les hommes de ce temps-là.

Que la liberté ait été insuffisante sous l’empire romain, cela nous paraît hors de doute ; mais encore est-il juste de faire cette remarque : nous ne voyons à aucun signe certain que, pendant ces cinq siècles, les hommes aient réclamé une liberté plus grande. La Gaule n’avait jamais fait aucun effort pour s’affranchir de la domination romaine ; deux ou trois insurrections toutes locales n’avaient servi qu’à montrer l’attachement du pays à l’empire ; elles avaient été réprimées par les Gaulois eux-mêmes. La Gaule, satisfaite de ses libertés municipales, avait travaillé et prospéré, s’était enrichie, embellie, éclairée. Il ne paraît pas que, sauf quelques restes du clergé druidique, elle ait jamais regretté sa vieille indépendance. Il est vrai que vers la fin de l’empire les désordres intérieurs, les rivalités des princes, les exigences des légions et les incursions des