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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/294

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cours ecclésiastiques (la cour des arches) la cour de haute commission ?

Rien dans les mots n’a changé ; tout a changé dans les choses. La royauté est comme une façade antique qui couvre des bâtimens nouveaux. Le droit de veto subsiste toujours, mais depuis le commencement du XVIIIe siècle le parlement n’a pas entendu une seule fois la formule du rejet : « le roy s’avisera. » Entourée des cercles de l’aristocratie, comme le soleil de ses planètes, la royauté demeure toujours pour le peuple comme l’image visible de la nation. Les respects humains se fixent plus aisément sur des hommes que sur des idées ; mais, quand ces hommes représentent des idées, le respect devient une sorte de religion. Ce simple mot le roi, la reine, évêque dans l’âme de l’Anglais toutes les passions qui sont son orgueil, son souci, et qui sont entrées dans la fibre nationale, car à l’idée de la royauté ne s’attache pas seulement l’idée d’une antique possession, de glorieux souvenirs, de bonheurs ou de malheurs partagés en commun ; il s’y attache celle d’un traité, d’un pacte qui protège les libertés religieuse et civile.

Ce traité existe toujours ; il fut conclu avec Guillaume d’Orange. La Déclaration des droits rappelle les crimes et les erreurs qui ont rendu une révolution nécessaire. Le roi désormais ne pourra plus, par l’exercice d’un prétendu droit de dispense, arrêter l’effet des lois pénales ; il ne pourra lever des impôts sans un vote du parlement, ni entretenir en temps de paix une armée permanente. La déclaration confirme le droit de pétition, la liberté électorale, constate que les débats du parlement sont libres, que la nation a droit à une administration de la justice humaine et conforme aux lois. Tous ces droits, tous ces biens sont l’héritage inviolable de la nation anglaise, et c’est à la condition que cet héritage sera gardé intact que l’autorité exécutive est confiée à la nouvelle dynastie. Il faut descendre l’histoire jusqu’à 1830 pour trouver quelque chose de semblable, une négociation ouverte entre une nation et un roi. On ne parle pas de droit divin en Angleterre ; le pouvoir exécutif y est moins une propriété qu’une fonction. La nation est fidèle au roi, le roi est fidèle à la nation.

La nouvelle royauté, en se faisant complice de la nation contre l’ancienne, renonçait à la toute-puissance ; elle se montra tantôt plus et tantôt moins exigeante, elle était forcément amenée à ne garder du pouvoir royal que ce qui était un obstacle aux prétendans et aux ambitieux. On sent encore, après plusieurs générations, ce caractère exceptionnel de la monarchie anglaise : elle n’a pas l’allure, le ton des monarchies continentales. Elle ne parle pas à l’Angleterre comme les Habsbourgs parlent à l’Autriche, les rois de