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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/304

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ainsi que le parlement a institué une cour spéciale pour prononcer sur les demandes en divorce. Il a récemment décidé qu’il n’examinerait plus les pétitions faites contre les élections entachées de corruption ou de violence ; il confie à des juges la vérification des pouvoirs contestés de ses propres membres, abandonnant ainsi un privilège précieux, et dont toutes les assemblées politiques sont jalouses. Il songe aujourd’hui très sérieusement à modifier tout le système de la législation dite privée. Au début de chaque session, on nomme un grand nombre de comités qui ont pour mission principale de statuer sur toutes les demandes de concessions. Ces comités fonctionnent en réalité comme des tribunaux : les compagnies de chemins de fer, les constructeurs de docks, de ports, les compagnies rivales qui s’occupent d’éclairer les villes, de leur fournir de l’eau, de les assainir, apparaissent devant ces tribunaux avec leurs témoins, leurs avocats spéciaux, qu’on nomme les avocats parlementaires. Les enquêtes, au lieu de se faire sur rapports d’ingénieurs, comme devant nos savans conseils des mines et des ponts et chaussées, se font par un débat oral et contradictoire.

Le parlement a été frappé des vices de ce système. D’abord il est fort coûteux ; il n’est pas rare qu’une compagnie de chemins de fer dépense 40,000, 50,000, 60,000 liv. st. dans l’enquête parlementaire : il y a une compagnie de chemin de fer anglaise qui n’a pas dépensé moins de 300,000 livres. S’agit-il de travaux à faire dans le port de Cork en Irlande, le procès, au lieu de se faire sur place, se fait à Londres ; il faut faire venir les témoins à grands frais. Le prix des bills parlementaires a pesé bien lourdement sur la construction du réseau des chemins de fer anglais. Ce réseau représente un capital de 300 millions de liv. st. On peut juger ainsi de la grandeur des intérêts qui se débattent dans-les comités de la chambre. Les juges de ces tribunaux parlementaires sont souvent inexpérimentés, ignorans ; les ingénieurs les accablent de leur science, les avocats de leurs argumens. Il faut traiter chaque question ab ovo, la jurisprudence de ces comités nombreux et mobiles est forcément incertaine, changeante ; elle doit être souvent redressée par le comité judiciaire permanent de la chambre des lords, qui sert de cour d’appel. Les comités sont si surchargés d’ouvrage et travaillent si lentement, qu’il est devenu nécessaire de donner au ministère dit Board of trade la faculté d’émettre des ordres provisoires pour les grands travaux publics. Le parlement, bien entendu, peut confirmer ou infirmer ces ordres, et les intéressés peuvent envoyer des pétitions à la chambre pour en arrêter l’exécution. Aujourd’hui il est question de renvoyer toute la législation privée à un véritable tribunal extérieur au parlement, mais l’on ne s’accorde pas encore sur la