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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/312

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Voilà ce qui rend une importance toute spéciale à une petite église catholique tenue à Rome pour schismatique, mais reconnue autrefois comme parfaitement régulière par les premières autorités épiscopales de France et d’Allemagne, une église à peu près oubliée depuis une centaine d’années après avoir fait beaucoup parler d’elle, fondée par des saints, ayant donné le jour à des théologiens illustres et même à un pape, et qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours comme un témoin vivant de l’ancienne constitution catholique-épiscopale, anéantie aujourd’hui par l’absolutisme ultramontain. La petite église des a anciens-catholiques » des Pays-Bas pourrait bien être appelée à un rôle éminemment libérateur au sein de la catholicité.


I

A côté de l’église catholique romaine, à laquelle se rattachent les deux cinquièmes de la population de la Hollande, existe un petit groupe de fidèles qu’on désigne souvent, mais à tort, du nom de jansénistes. Eux-mêmes s’appellent « anciens-catholiques » (Oud-Katkolieken) ; tel est aussi le nom que l’état leur reconnaît officiellement. Ils ont un archevêque siégeant à Utrecht, deux évêques, résidant l’un à Deventer, l’autre à Harlem, un séminaire et un clergé relativement nombreux desservant les vingt-cinq paroisses disséminées dans le pays. Cependant leur nombre n’est pas grand : c’est tout au plus s’il dépasse 6,000 âmes, et, bien que généralement respectés, ils tiennent si peu de place dans la vie religieuse du pays qu’on les oublie aisément.

Il est certain qu’une secte protestante de 6,000 âmes réparties en vingt-cinq communautés serait fort insignifiante. Il en est tout autrement quand il s’agit d’une société catholique énonçant la prétention de se rattacher par son épiscopat et sa doctrine à la tradition de l’ancienne église. C’est sa hiérarchie, c’est son épiscopat qui importe, bien plus que le nombre de ses membres. D’où vient donc ce phénomène, si étrange à nos yeux, d’une société religieuse professant le catholicisme et pourtant en état de schisme de facto avec la grande église de même nom ? A cette question, les anciens-catholiques de Hollande répondent qu’ils ne sont pas du tout en opposition avec l’église catholique dans son ensemble, qu’ils sont dans toute la rigueur du terme les continuateurs du catholicisme national des Pays-Bas, tel qu’il était avant et depuis la réforme, — que, n’ayant jamais reconnu la souveraineté absolue du siège romain au temps où rien ne les séparait du reste de la catholicité, ils ne pouvaient courber la tête devant un décret pontifical, à leur avis