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constituante montre suffisamment avec quelle facilité, tout en croyant rester catholique, il glissait dans la réforme intérieure, presque dans le schisme. Son heure vint trop tard, mais il ne faut pas s’étonner si la cour de Rome et les jésuites discernèrent longtemps d’avance, avec la sagacité des partis attaqués dans leur principe même, l’extrême danger dont ce réveil des idées augustiniennes menaçait le catholicisme tel qu’ils l’entendaient maintenir. C’est pour la même raison que Rome et les jésuites unirent leurs efforts contre tout ce qui de près ou de loin se rattachait au gallicanisme, c’est-à-dire au principe des églises nationales jouissant d’une certaine autonomie, possédant des traditions particulières, et le plus souvent très disposées à laisser sur la questionne la grâce la liberté d’opinion permise par les anciens conciles. Supposons un instant que l’indépendance de l’épiscopat néerlandais, le jansénisme belge et parisien, le gallicanisme français, ces trois causes distinctes, mais solidaires, eussent triomphé ensemble : quel poids nouveau jeté dans la balance des destinées du catholicisme ! et qui pourrait dire les transformations ultérieures qui en seraient résultées pour la plus nombreuse des églises chrétiennes !

Si donc il est permis de regretter à bien des points de vue que l’ultramontanisme ait vaincu l’un après l’autre ses ennemis de l’intérieur, on ne peut contester à ses chefs du XVIIe et du XVIIIe siècle d’avoir vu très nettement ce qu’ils avaient à faire pour établir leur domination absolue dans l’église, et identifier leur tendance particulière avec le catholicisme lui-même. Ils firent la guerre à la fois et avec le même acharnement au jansénisme, au gallicanisme et à l’autonomie de l’épiscopat néerlandais, parce qu’au fond c’était le même adversaire qu’ils retrouvaient sous ces trois formes. Ils usèrent de leur position centrale et de leur permanence pour frapper des coups continus sur l’hydre à trois têtes, pas toujours très conscientes de leur solidarité. Ils mirent tout à profit, circonstances locales, intérêts politiques, défaillances des rois et des peuples, indifférence des hommes d’état, timidité des populations croyantes. S’ils réussirent plus tôt et plus complètement en Hollande, c’est qu’ils avaient affaire à moins forte partie ; mais, il ne faut pas s’y tromper, la raison de leur acharnement contre cette église particulière est identiquement la même que celle qui a dicté leur violente opposition à notre Port-Royal, à nos jansénistes, à Bossuet, à notre gallicanisme enfin, si cruellement condamné par le dernier concile.

Après la mort de l’archevêque Neercassal, la cour de Rome et le chapitre d’Utrecht eurent de longs démêlés relatifs au choix de son successeur. Enfin une transaction intervint, et l’on fit choix d’un homme très pacifique, très modéré, Pierre Codde. On pouvait