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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/327

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résulter une rupture, non pas avec l’église catholique, mais avec le pape mal éclairé.

Le chapitre d’Utrecht prit soin du reste que toutes les formalités canoniques fussent ponctuellement observées pour l’installation de l’archevêque Steenoven. D’après les canons de l’église, il faut ordinairement la coopération d’autres évêques pour qu’un nouveau membre de l’épiscopat soit installé dans ses fonctions ! Toutefois les mêmes canons ont prévu les cas, dits de nécessité, où la présence d’un seul évêque suffit pour la consécration du nouveau dignitaire. Or il y avait en ce moment même en Hollande un évêque français du nom de Varlet, évêque missionnaire de Babylone, qui, lui aussi, s’était vu privé de son siège épiscopal, grâce aux manœuvres des jésuites, mais dont la position canonique était intacte. Il prêta son ministère au chapitre pour la circonstance, et Steenoven fut régulièrement installé.

Un seul archevêque ne pouvait remplacer l’ancienne hiérarchie épiscopale néerlandaise. Le chapitre local de Harlem, qui aurait dû pourvoir à la vacance ouverte par la mort du dernier titulaire, n’osait lui nommer un successeur. Le chapitre métropolitain fit ce que les canons commandaient lors des cas prévus où un chapitre inférieur est négligent ou récalcitrant ; il nomma un évêque de Harlem. La même marche fut suivie à Deventer. L’archevêque ancien-catholique d’Utrecht se vit donc à la tête d’un corps épiscopal, très réduit sans doute, mais complet et habile à se perpétuer.

Ainsi se passa le reste du XVIIIe siècle. Plusieurs archevêques se succédèrent sur le siège d’Utrecht, Barchman Wuytiers, mort en 1733, van der Kroon, mort en 1739, Meindaerts, qui mourut en 1768. Un moment, la pauvre église, schismatique sans le vouloir, put croire que l’ère de la justice allait se rouvrir pour elle. Régulièrement, chaque fois, qu’un nouvel évêque était nommé, la notification en était faite à Rome dans les termes les plus soumis ; non moins régulièrement, Rome répondait à la notification par un anathème en due forme. Cet anathème était lu par déférence dans les églises épiscopales, et cette lecture était suivie d’une protestation du clergé. Vint enfin un pape très différent de ses prédécesseurs. Clément XIV, qui n’aimait pas les jésuites et qui prononça la dissolution de l’ordre, les soupçonnait d’avoir par leurs intrigues envenimé un différend qu’avec un peu de condescendance il eût été facile d’apaiser. L’épiscopat néerlandais, informé de ses dispositions, redoubla d’efforts pour plaider la justice de sa cause. A la fin, plusieurs hauts personnages, Charles III, roi d’Espagne, Marie-Thérèse, le comte Colloredo, primat d’Allemagne, se prononcèrent en