Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remplacement des instituteurs par des institutrices avait été essayé dans trois communes ; la mesure n’avait réussi que dans une seule, dans les deux autres, les familles regardaient l’enseignement des institutrices comme insuffisant pour les garçons. Ensuite la plupart des maires ne peuvent se passer de secrétaires, ni les curés de chantres. Or nos communes sont si petites, — dans le Calvados, il y a 12 communes n’ayant pas 100 habitans, 101 qui en ont moins de 200, et 277 communes qui n’ont pas 300 habitans ; — on conçoit qu’avec une population si chétive le secrétaire de la mairie et le chantre soient difficiles à trouver quand l’école est tenue par une femme. L’introduction des institutrices dans les petites communes du département du Nord s’était heurtée aux mêmes obstacles ; on reprochait en outre à ce système l’inconvénient de priver les garçons de leçons d’agriculture et d’horticulture[1]. Toutes ces plaintes sont-elles fondées et toutes ces difficultés insurmontables ? Qui empêcherait par exemple les institutrices de tenir les registres de la mairie ? Elles ont une capacité intellectuelle suffisante. Au surplus. il y a un certain revirement en faveur de l’emploi des femmes dans l’éducation. Il y a quatre ans, l’Académie des Sciences morales et politiques décernait un prix à Mme Pape-Carpentier, l’intelligente directrice des salles d’asile. « La commission a pensé, disait à cette occasion le rapporteur, M. Drouyn de Lhuys, que de nos jours il y a pour la société française un intérêt de premier ordre à susciter parmi les femmes, par tous les encouragemens possibles, des vocations pour l’enseignement. »

Quelle pourrait être sur la destinée des femmes l’influence des réformes que nous préconisons ? Elle serait certainement considérable. Dans la seule industrie parisienne, il y aurait une foule de positions lucratives que les femmes pourraient occuper, si leurs facultés naturelles avaient été développées par l’instruction ou par l’apprentissage. Il y avait à Paris en 1860 environ 26,000 ouvriers occupés aux articles dits de Paris, les instrumens de précision et d’horlogerie en employaient près de 12,000, la boissellerie et quelques industries de demi-luxe en comptaient 4,500 en chiffres ronds, les groupes de l’or, de l’argent, du platine, de la gravure, de la papeterie, de l’imprimerie, figuraient pour un contingent de 38,000 personnes : l’ensemble de ces industries, qui font une grande place à l’habileté des doigts, à la science ou à l’art, formait un personnel de 80,000 ouvriers, dont 49,000 étaient des hommes, 22,000 seulement des femmes, et le reste des enfans. Il est évident que le nombre des femmes occupées dans ces corps

  1. État de l’instruction primaire en 1864, p. 387, 686 et passim.