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probabilité, n’aurait recruté que très peu d’élèves, et, d’après les idées qui prévalaient alors, il aurait semblé fort étrange que l’on s’avisât d’implanter une école d’agriculture dans un quartier du vieux Paris ! En 1848, le gouvernement et l’assemblée nationale établirent l’Institut agronomique à Versailles et le dotèrent d’une ferme. L’opinion publique était même assez disposée à ne considérer l’institut que comme une annexe de la ferme ; on ne pouvait décemment professer l’agriculture qu’en plein champ, au milieu des épis et des bestiaux.

Ces idées, qui s’appuyaient en apparence sur le vulgaire bon sens, tendirent peu à peu à se modifier, à mesure que l’union de l’agriculture et de l’industrie devint plus intime, et l’influence de l’École centrale ne fut pas étrangère à cette évolution. On vit par exemple la production du sucre de betterave confondre les intérêts de la ferme et de l’usine. Dans beaucoup d’autres branches de travail, les progrès mécaniques réagirent de même sur l’état de l’agriculture, incitée à produire plus abondamment et plus vite. De la fabrique, l’esprit d’invention et de perfectionnement s’étendit aux champs, et bientôt l’agriculture voulut être organisée, outillée, comme une grande usine. Elle s’adressa donc à l’industrie, qui lui fournit des capitaux, des procédés, des ingénieurs, et qui, en échange des bras qu’elle lui enlevait, lui prêta des intelligences fortifiées par l’étude. Que l’on observe les progrès de l’agriculture et les progrès de l’industrie dans les différentes régions de la France, on verra qu’ils sont parallèles, et que les seconds ont toujours pris l’avance sur les premiers. Partout où l’industrie s’est développée, l’agriculture est devenue plus productive et plus prospère ; partout où la science a créé et agrandi les manufactures, les procédés agricoles se sont perfectionnés. Donc la science qui formait les ingénieurs de mines ou d’usines, la science pure était bienfaisante aussi pour les campagnes ; elle n’était point l’ennemie des saines pratiques, elle valait mieux que la routine, qui, se décorant du nom d’expérience, ne consulte que les signes du calendrier et. les éphémérides des almanachs. Ce fait, qui ne pouvait manquer de frapper tous les yeux, était à lui seul un premier et positif enseignement. Il était clair que l’agriculture devait prendre modèle sur l’industrie.

D’un autre côté, l’on voyait des jeunes gens armés d’un simple diplôme arriver dans des usines où s’exécutent les travaux du caractère le plus technique, puis se trouver promptement en état de surveiller et de diriger les contre-maîtres : on apprenait que leur concours avait apporté des procédés utiles, des économies, des profits. Où donc avaient-ils appris toutes ces choses ? Comment leur