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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/495

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obstacle à ses désirs. Le gouvernement impérial ne put se résigner à cet acte de faiblesse ; il laissa passer l’occasion, et le gouvernement qui suivit ne la retrouva plus. Lorsqu’au lendemain de Sedan nous nous adressâmes à l’Italie, elle avait déjà signé la ligue des neutres. Du reste, elle n’avait plus aucun intérêt à nous prêter un secours militaire, puisqu’elle avait occupé Rome sans coup férir et sans réclamation de notre part. Nous ne pouvions plus guère lui demander que des sympathies bénévoles, avec un effort sincère pour amener une médiation des neutres. Comme nous le verrons plus loin, il n’a pas tenu à l’Italie que cette médiation ne fût tentée ; mais ses bonnes intentions devaient rester sans effet : elles devaient échouer, comme celles de l’Autriche, contre la froideur et la mauvaise volonté de l’Angleterre.

Ainsi, dès ses premiers désastres, la France se voit isolée, tenue pour ainsi dire en quarantaine par le reste de l’Europe. La Russie attend de notre défaite un changement de politique favorable à ses desseins. L’Italie, qui n’a plus rien à gagner avec nous, ne veut pas se compromettre sans bénéfice. L’Autriche n’a pour nous qu’un bon vouloir stérile. Enfin à la tête de ce concert nous voyons notre ancienne alliée, l’Angleterre, qui, au lieu de nous tendre la main, se fait l’âme d’une véritable conspiration de neutralité, plus funeste pour nous que tous les revers : elle réprime le zèle de nos amis, elle fournit des prétextes aux indifférens et aux tièdes ; elle fait le guet autour de la France pendant que la Prusse achève de l’accabler.


II

L’extrême malveillance de l’Angleterre pouvait à la rigueur se comprendre au début de la guerre. On a vu qu’avant le commencement des hostilités l’Angleterre avait offert sa médiation au cabinet des Tuileries, et que le gouvernement impérial avait repoussé ses bons offices. Le cabinet de Londres avait lieu d’en être offensé. On ne savait d’ailleurs comment tournerait la guerre, ni de quel côté étaient à craindre les violences et les conquêtes. L’empire semblait s’être donné les torts de la première agression. On conçoit que l’Angleterre, mécontente de n’avoir pas été écoutée, souhaitât de lui voir infliger quelque rude leçon ; on l’excuserait volontiers d’avoir éprouvé dans ce moment-là un vif mouvement d’humeur contre la France, si plus tard elle eût compris son erreur et se fût mise en devoir de la réparer.

Il n’en était plus de même après la chute de l’empire. Le caractère de la guerre avait complètement changé. Il ne s’agissait plus d’une simple leçon à donner ou à recevoir. La France avait