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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/543

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LES ÉCOLES D’APPRENTIS.

l’étude de la technologie, d’aborder de haute main la pratique de l’atelier ? Supprimer l’apprentissage de l’atelier dans ce qu’il a d’efficace et de réel serait une chimère ; mais est-il chimérique de remplir les lacunes de cet apprentissage par une sorte de stage raisonné, suivi et méthodique ? Matériellement on n’en prendrait pas souci, qu’à un autre point de vue il faudrait impérieusement y songer. Rien n’est plus fatal aux enfans que ces quelques années de désœuvrement moral qui accompagnent les débuts de leur apprentissage. Étudiez-les bien tous, ce qu’il y a en eux de mauvais germes vient presque toujours de là. Si l’âme s’est gâtée, si la constitution s’est étiolée, si des vices de la pire espèce ont peu à peu gagné leurs sens après avoir d’abord souillé leurs oreilles, c’est à ce moment-là. C’est donc contre cette dégradation précoce, si funeste et si fréquente, qu’il faut surtout réagir. Quels services ne rendraient pas dès lors des institutions qui prendraient un enfant à sa meilleure heure et s’imposeraient la tâche d’en faire un homme aussi complet que possible, moralement, intellectuellement, physiquement, assujetti pour l’esprit et le corps à des exercices fortifians, soustrait aux mauvais exemples et protégé par une règle contre les entraînemens des premiers instincts. Voilà ce que serait, bien comprise et bien menée, une école d’apprentis.

Mais, dira-t-on encore, certains métiers ne se prêtent point à un apprentissage régulier. Telle industrie, et on pourrait citer presque toutes celles qui se rattachent aux articles de Paris, ne comporte guère un enseignement de principes ; telle autre, comme les produits chimiques, exige tout un appareillage que difficilement on monterait dans une école ; d’autres enfin, comme la maçonnerie, ne peuvent être apprises que sur le chantier même et par une pratique directe. Rien de plus juste ; mais il n’est point de métier qui ne soit susceptible d’un certain enseignement ou qui n’ait à profiter d’y avoir participé. Prenons ceux dont il vient d’être question, les hommes du bâtiment. Les menuisiers, les tailleurs de pierre, les charpentiers surtout, n’ont-ils pas eu parmi eux, de tout temps, des maîtres de trait, c’est-à-dire des professeurs de dessin linéaire, d’assemblage et de coupe de pierres, qu’ils enseignaient peut-être empiriquement, mais par des procédés de tradition ? Les tailleurs d’habits ont aussi des professeurs de coupe. Les journaux de modes ont à leur tour la prétention plus ou moins justifiée, mais légitime au fond, de donner des leçons en même temps que des modèles, et de rattacher tout cela à des principes généraux d’art, et de métier. Si le goût est un don de nature, il n’en est pas moins, comme toutes les facultés de l’esprit, susceptible d’éducation ; il a des règles et une logique. Ces matières peuvent s’enseigner à titre de préliminaires, et on en trouverait aux abords de toute profession comme on trouve des dé-