Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/545

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
539
LES ÉCOLES D’APPRENTIS.

mens physiques qu’ils exigent, et l’on arriverait même ainsi à réduire encore le nombre des outils dont le maniement résume plus ou moins complètement le travail industriel… Il s’agit au fond de produire un effort musculaire mesuré, contenu, d’une direction définie, le plus souvent rectiligne et régulièrement répété. Cette précision de mouvement une fois acquise, avec un rabot par exemple, peut être utilisée pour la lime, pour la scie, pour tout outil qui fonctionne d’une manière analogue. D’autres outils demandent l’agilité des doigts, quelques-uns les mouvemens combinés des pieds et de la main comme le tour ordinaire, ou des deux mains agissant simultanément comme le tour à l’archet ; mais dans chaque cas l’adresse qu’un exercice aura donnée sera applicable à une série d’actions du même genre.

« Que faut-il maintenant de plus pour former un véritable ouvrier ? Indépendamment de la rapidité dans l’exécution, qui est le résultat d’une pratique prolongée, ce qu’il faut, c’est l’apprentissage des procédés secondaires ou accessoires propres à faciliter ou à abréger les opérations, c’est-à-dire la méthode du travail, le complément d’instruction technique qui s’obtiendra par la fréquentation de l’atelier. »

Voilà des argumens précis, partant d’un homme qui connaît bien ces matières. Pour créer une école, encore fallait-il s’assurer d’y avoir un enseignement : nous en avons la théorie, qui semble bien fondée ; il ne reste plus qu’à en fixer la valeur par un essai dont en partie nos destinées dépendent. Il s’agit en effet de savoir si les générations qui arrivent souscriront à ces tentatives d’amendement que la communauté attend d’elles, disons mieux, leur impose sous peine de périr. Or le point de départ de cet amendement est là, dans ce premier pli, dans cette première détermination, dans cette volonté de bien faire fixée dans un acte, l’apprentissage. Outre les garanties d’instruction générale qui assure à l’apprenti, on voit quels avantages il lui offre. Il lui permet d’avoir un métier, un véritable métier, de le bien comprendre, de le posséder à fond. Il lui facilite les moyens d’en changer dans le cercle des métiers du même ordre, soit définitivement, soit pour un temps, s’il y est contraint par sa santé, par les circonstances, par les accidens de la vie. Il attache l’homme à sa profession parce qu’il la domine, parce qu’il n’en ignore rien et qu’il y réussit ; il l’arrache ainsi à ce mécontentement, à ce malaise qui vient souvent du demi-succès comme du demi-savoir, et qui engendre les impatiences fatales à un perfectionnement suivi.

C’est surtout dans ces impatiences jointes à une grande mobilité d’impressions qu’est l’obstacle le plus ordinaire des ouvriers fran-