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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/549

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LES ÉCOLES D’APPRENTIS.

et établissent entre l’école proprement dite et l’école d’apprentissage une ligne de démarcation ; toutes, elles se préoccupent de la discipline de l’atelier et de l’éducation morale ; toutes, elles font la part, inégale il est vrai, de la théorie et de la pratique ; toutes, elles ont fourni la preuve qu’on peut former ainsi des ouvriers exercés à manier les outils de leur profession, rompus à la fatigue, d’un esprit ouvert, propres en un mot aux travaux de l’industrie et en état de gagner un salaire. Au Havre par exemple, où les apprentis demeurent à l’école jusqu’à seize ans, sur 50 élèves sortant chaque année en moyenne, 35 (10 menuisiers, 25 ajusteurs) trouvent à se placer dans des établissemens qui leur paient immédiatement la moitié, quelquefois les deux tiers de la journée ordinaire. À Paris, la moyenne des salaires obtenus par les apprentis sortis de Saint-Nicolas de 1859 à 1864 a dépassé même cette proportion ; sur des notes communiquées, on relève les prix suivans, qui ne constituent que des moyennes : ciseleurs en bronze 4 fr. 22 cent., tourneurs en optique 3 fr. 94 c., dessinateurs pour châles 4 fr. 4 c., doreurs sur bois 3 fr., bijoutiers 4 fr., sculpteurs sur bois 4 fr., layetiers-emballeurs 3 fr. 75 cent., facteurs d’instrumens de musique 3 fr. 62 cent., ébénistes 3 fr. 25 cent., d’où il résulte un salaire moyen de 3 fr. 75 cent.

Si ces quatre écoles d’apprentis se touchent sur ces divers points, sur d’autres elles se séparent. Il en est d’abord, comme à La Ciotat et au Creuset, qui ne sont que des annexes de plus grands établissemens, ou, comme à Saint-Nicolas, le produit à un premier degré d’associations charitables ; il en est d’autres, comme à Nantes, qui présentent l’inconvénient des distances, et par ces motifs seraient d’une application impossible pour notre fondation municipale, d’où l’on peut conclure, comme le fait M. Gréard et comme il le propose, de prendre pour modèle dans la fondation projetée à Paris l’école d’apprentis du Havre, qui, exempte de ces imperfections, a de plus pour elle l’épreuve du temps et du succès.

Ce point admis, il en restera toujours un dernier à vider. Voilà l’école fondée, comment l’administrera-t-on ? Deux modes d’administration ont été jusqu’ici appliqués aux écoles d’apprentis, la gérance directe avec un directeur dépendant de la municipalité, la gérance avec le concours et par l’intermédiaire des patrons. Le premier est celui qui a été appliqué à l’école du Havre, le second est en usage dans les établissemens de Saint-Nicolas. Dans ces derniers, les élèves sont mis à la disposition et sous la direction de patrons qui les font travailler pour leur compte, fournissent les outils et les matières, et les forment soit par eux-mêmes, soit à l’aide d’ouvriers maîtres. Les produits appartiennent aux patrons, qui pendant les trois premières années profitent sans rétribution du