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multitude d’enfans qui ne recevaient aucune éducation. Nul ne songe aujourd’hui à nier les énormes sacrifices du clergé anglais et de ses adhérens ; mais son principal motif en fondant des écoles, et il l’avoue lui-même, a été de maintenir et de propager les doctrines de l’église nationale. Cette préoccupation constante a eu pour inévitable conséquence de subordonner l’éducation séculière à l’éducation religieuse. Certes ce n’est point à la négligence ni à l’égoïsme des classes privilégiées qu’il faut attribuer les échecs du système volontaire ; c’est à la force des choses et à la marche fatale des événemens. La charité est impuissante devant la masse des misères morales, et l’aumône sous une autre forme, celle de l’éducation fournie par la bourse des particuliers, ne saurait égaler les services à l’immensité des besoins.

En 1839 fut créé le comité du conseil d’éducation (committee of council), embryon d’un ministère de l’instruction publique. Aussi longtemps que les écoles étaient soutenues dans la Grande-Bretagne parades efforts et des sacrifices spontanés, nul n’avait le droit d’intervenir dans leurs affaires ; elles jouissaient d’une parfaite liberté d’enseignement. L’intervention de l’état dans l’instruction publique trouva surtout des adversaires parmi les membres du clergé protestant et catholique. Leur principal argument était celui-ci : les gouvernemens tels qu’ils sont maintenant constitués n’ont pas de religion ; l’éducation qu’ils peuvent et doivent donner est donc exclusivement laïque. D’un autre côté, l’état était riche, il pouvait servir d’auxiliaire à l’église anglicane, avec laquelle il avait d’ailleurs tant de liens officiels. On courtisa peu à peu ses bonnes grâces. C’était une déviation du principe volontaire, mais n’était-il point évident que ce principe avait échoué contre les difficultés matérielles ? L’état s’introduisit dans les écoles sous forme de souscripteur. Dans le commencement, il ne fit guère que servir l’organisation des établissemens fondés par le clergé ; mais avec le temps vinrent d’autres exigences. Les demandes affluaient de la part des écoles. « Je veux bien vous aider, répondait le comité du conseil ; mais je ne puis vous donner mon argent, qui est l’argent de tout le monde, qu’à certaines conditions. » Ces conditions étaient que les différentes localités fissent les premiers sacrifices. Il fallait que des fonds eussent été réunis et qu’un conseil de managers (régisseurs) se fût institué dans la paroisse avant que le gouvernement s’intéressât à l’œuvre commencée. Le budget des écoles secourues se composait d’un tiers de souscriptions, d’un tiers fourni par les rétributions des élèves et d’un tiers payé par l’état[1]. Le gouvernement, dans ses

  1. Le principal inconvénient de ce système saute aux yeux : l’état secourait ceux qui étaient capables de s’aider eux-mêmes, mais il négligeait absolument ceux qui ne pouvaient rien pour améliorer leur sort.