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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/740

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dépuration de pairs du royaume, de quatre-vingts membres dur parlement, de clergymen de l’église anglicane, se rendit chez les chefs du gouvernement, et les engagea à tenir ferme pour l’alliance du principe religieux et de l’instruction publique. Des journaux, des meetings, des pétitions soutenaient la même cause. Séparer l’école de l’église, c’était, disait-on, ébranler et détruire les fondemens de la morale. Cet argument fut vigoureusement combattu par les libéraux. On s’est trop habitué, selon eux, à considérer la morale comme une annexe de la religion, et par conséquent comme le domaine du clergé. Ce sont, deux départemens distincts. La religion s’occupe surtout des, apports de l’homme avec la Divinité ; la morale règle les rapports des hommes entre eux : elle appartient donc à l’ordre social. L’éducation donnée aux frais de l’état se rapporte aux devoirs de l’enfant envers l’état et envers ses semblables. Il s’agit de lui apprendre les services qu’il peut rendre à la société, les devoirs qui limitent sa liberté vis-à-vis de la liberté des autres, ce qu’est la loi et pourquoi les hommes vivant en commun s’imposent certaines obligations nécessaires. La morale ne s’appuie ni sur une secte religieuse ni sur un dogme, elle repose sur une base universelle. N’y a-t-il point un livre en Angleterre qu’on rencontre dans toutes les maisons, qui figure avec respect sur la table du parlour, le second après la Bible, et dans lequel les générations successives viennent puiser des leçons utiles ? Ce sont les œuvres de Shakspeare ; eh bien ! ce grand moraliste a jeté sur ses croyances personnelles un voile si épais que les critiques les plus perspicaces et les plus déliés n’ont pu jusqu’ici découvrir s’il était protestant ou catholique. Quel rapport d’ailleurs entre la théologie et l’école primaire ? Apprend-on à lire, et à écrire selon des dogmes particuliers ? A-t-on découvert jusqu’ici dans l’alphabet des lettres orthodoxes et des lettres hétérodoxes ? Le maître d’école chargé d’enseigner certains articles de foi en même temps que de conduire le cours des études devient la doublure du prêtre ou du ministre ; il appartient à la secte qui l’emploie, et M. Disraeli, lui-même tourne en dérision « cette nouvelle caste sacerdotale. » Le cabinet anglais fut-il touché des réclamations du parti libéral ? Il y a lieu de le croire, car entre la première et la troisième lecture il modifia son projet de loi. Il suffira d’indiquer quelques-unes des concessions faites à l’esprit moderne. Dans les établissemens publics fondés sous l’ancien système et auxquels ne touchait point le nouveau bill, tout élève est libre d’assister ou de ne point assister le dimanche aux services du temple, de suivre ou de ne pas suivre dans l’école les cours d’instruction religieuse, et son absence motivée par le désir des parens ne doit lui faire perdre aucun des avantages de l’institution. Pour que cette règle soit plus