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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/809

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ailleurs l’origine de ce souffle de destruction qui, passant sur les villes et les campagnes, traversa la France comme un vent de mort, emportant tout, brisant tout sur son passage.

Faut-il aller jusqu’à croire pourtant, comme on a un peu trop l’air de le dire, que cette fièvre se soit allumée toute seule ? Faut-il se ranger à cette thèse qui réduit à un simple emportement populaire cette guerre faite à la partie précieuse du luxe public exprimée par les monumens et les arts ? Ne faut-il pas en rendre responsables les clubs, les municipalités, et ce grand pouvoir qui absorbe tous les autres, la convention, n’y est-il absolument pour rien ? Comprendrait-on tout d’abord qu’un peuple, naguère soumis, surtout le peuple des campagnes, ait été pris de cette rage subite, s’il n’y avait pas eu d’excitations venant du dehors ? Et comment serait-il possible de ne pas voir l’action de ces sociétés populaires, jacobins et cordeliers à Paris, et de tant d’autres associations affiliées ou indépendantes, mais animées des mêmes passions en province ? Qu’on songe qu’il n’y avait pas moins de huit cents affiliations rien que jacobines réparties sur le territoire ! Là fut le foyer toujours brûlant ; de là partit le plus souvent le mot d’ordre. Où trouver ailleurs que dans les membres et les auditeurs de ces tumultueuses assemblées, toutes vibrantes des colères du jour, et suivant le courant avec une sorte d’émulation empressée, le contingent naturel de cette armée de la destruction, qui a laissé peu de points en France sans y porter ses ravages ? Les municipalités étaient malheureusement composées d’élémens analogues, si ce n’est les mêmes. En tout cas, quand elles ne donnèrent pas l’exemple, elles furent souvent dominées, entraînées.

Mais la convention ! elle vandale, elle qui fit de si beaux décrets ! Elle sacrifiant le luxe public, les arts, à ses haines politiques ou philosophiques, quel blasphème ! Est-ce qu’elle n’a pas essayé de lutter contre le vandalisme ? Et ici on cite des textes. Tout cela est fort bien, et on doit faire une juste part à ces résistances. Quant à décharger la convention de toute responsabilité dans la destruction des monumens et des objets d’art, est-ce possible ? De quel droit supposer que tant de discours véhémens, respirant la haine furibonde de ce passé dont les emblèmes étaient partout, n’auraient pas eu d’écho dans ce peuple facile à émouvoir, à passionner ? Qu’on songe à ce qu’était aux yeux des populations la convention nationale ; elle leur représentait tout autre chose qu’un corps politique ordinaire. Qu’on veuille ne pas l’oublier : les peuples ont besoin de mettre l’autorité morale quelque part, dans un livre, dans un homme, dans une assemblée. Alors l’assemblée était tout. Elle était tout d’autant plus qu’on rompait violemment avec la grande