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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/887

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La même observation s’applique aux chemins de fer d’intérêt local, que l’on cherche à multiplier de tous côtés. Les conseils-généraux ont à contrôler très sérieusement les devis, en les comparant avec les résultats obtenus ailleurs. Ici encore, il vaut mieux se rendre un compte exact et augmenter le chiffre des subventions que d’accueillir trop vite des projets séduisans, mais peu sûrs. De plus il serait opportun que l’administration examinât s’il n’y aurait pas lieu d’accorder à cette catégorie de chemins de fer plus de tolérance quant aux formalités de la construction et de l’exploitation, et de réviser la loi de 1865. Bien que cette loi ait été rendue à la suite de longues études, elle n’a point le caractère d’un règlement définitif pour une branche de législation qui était alors toute nouvelle ; il est même à craindre que l’objet n’en ait pas été défini en termes assez clairs. Où s’arrête, en fait de voies ferrées, l’intérêt général ? Quel est le domaine de l’intérêt local ? Cette question vaut la peine d’être résolue.

La statistique recueille les divers élémens au moyen desquels chacun peut établir, année par année, le bilan de l’industrie des chemins de fer. Avec son langage de chiffres, elle paraît bien aride ; elle a quelque peine à fixer notre attention sur les longues colonnes où s’alignent les additions, les proportions et les moyennes. Ces chiffres pourtant sont instructifs, et l’esprit y rencontre la lumière. Il n’est pas indifférent que le pays connaisse, pour chaque réseau, pour chaque ligne, la situation vraie des voies ferrées, les dépenses de construction et les résultats du trafic. Ces renseignemens ne se bornent pas à indiquer où l’on en est, ils montrent comment l’on peut avancer, successivement et pas à pas, dans ce grand travail de construction, qui ne sera jamais achevé, car on aura toujours à créer des lignes nouvelles. Nous approchons d’une dépense de 10 milliards, dont il importe de surveiller le bon emploi. Dans cette industrie, les milliards vont vite, sous l’aiguillon des intérêts et quelquefois aussi sur les ailes de l’imagination. Il ne s’agit pas de les éloigner d’un champ qu’ils ont si largement fécondé, ni même de tempérer l’ardeur avec laquelle ils sont disposés à l’étendre. Il suffit de leur rappeler de temps en temps l’inventaire des récoltes passées pour qu’ils sachent mieux apprécier la situation présente, et ne s’égarent pas dans la poursuite des gains futurs. Ils se dirigeront alors plus sûrement, pour leur profit comme pour le nôtre. Ce sont là de simples opérations de calcul dont la statistique, amie des chiffrée, veut bien se charger.


C. LAVOLLEE.