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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/148

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UN
NATURALISTE PHILOSOPHE

LAMARCK, SA VIE ET SES OEUVRES.

Il y a deux classes de savans. Les uns, suivant les traces de leurs prédécesseurs, agrandissent le domaine de la science et ajoutent des découvertes à celles qui ont été faites avant eux ; leurs travaux sont immédiatement appréciés, et ils jouissent pleinement d’une réputation bien méritée. Les autres, quittant les sentiers battus, s’affranchissent de la tradition, font éclore les germes de l’avenir latens pour ainsi dire dans les enseignemens du passé : quelquefois ils sont estimés pendant leur vie à leur juste valeur ; plus souvent encore ils passent méconnus du public scientifique de leur époque, incapable de les comprendre et de les suivre. L’inertie, la routine et l’ignorance leur opposent dans le présent une résistance insurmontable, ils meurent délaissés ; cependant la science marche, les faits se multiplient, les méthodes se perfectionnent, et le public, attardé de leur vivant, les rejoint sur la route du progrès. Alors tous leurs mérites oubliés se révèlent avec éclat ; on rend justice à leurs efforts, on admire leur génie, on constate leur prévision de l’avenir, et une gloire posthume console leurs disciples de l’oubli qui a dû attrister les années pendant lesquelles ils ont lutté vainement pour le triomphe de la vérité. Lamarck appartient à la fois aux deux classes de savans dont nous venons de parler. Par ses travaux descriptifs en botanique et en zoologie, par les perfectionnemens, acceptés de ses contemporains, qu’il a introduits dans la classification des animaux, il a occupé un des premiers rangs parmi les naturalistes de son temps ; mais ses vues philosophiques sur les êtres organisés en général ont été repoussées, elles n’ont