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la feuille. Le dernier terme de cette modification se voit sur une naïadée de Madagascar, l’ouvirandra fenestralis[1]. Dans cette plante-aquatique, la feuille immergée se réduit à une fine dentelle à mailles quadrilatères formée par les nervures longitudinales et des cloisons transversales. Les feuilles des hippuris, des myriophyllum, des callitriche et des cerataphyllum nous montrent l’état accidentel des feuilles submergées de la renoncule aquatique et de la châtaigne d’eau devenu constant par le fait de l’hérédité.

La sagittaire doit son, nom à ses feuilles aériennes, qui ont exactement la forme d’un fer de flèche ; mais, lorsqu’elles sont plongées dans une eau courante, elles forment de longs rubans ondulans suivant le fil de l’eau. Le plantain d’eau (alisma plantago) offre la même modification ; dans les eaux courantes, ses feuilles ovalaires deviennent rubanaires et flottantes. Le jonc lacustre (scirpus lacustris) n’a point de feuilles, il n’a que des gaines rougeâtres terminées par un petit limbe. Quand la plante est dans une eau peu profonde, celui-ci avorte complètement ; mais dans une rivière ce limbe se développe, s’allonge et atteint quelquefois une longueur de 1 à 2 mètres. Le botaniste Scheuchzer, qui vivait à Zurich au commencement du XVIIIe siècle, avait déjà noté cette particularité. — Les feuilles flottantes du nénufar jaune sont étalées à la surface de l’eau ; ce sont des disques arrondis, mais les feuilles submergées sont presque transparentes et bosselées comme celles du chou pommé. Ces deux modifications morphologiques, la forme rubanaire et la forme bosselée, deviennent constantes et permanentes dans les plantes marines : la première dans les laminaires, les zostères, les cymodocées, la seconde dans les ulvacées.

Un autre effet de l’eau, c’est de favoriser la formation de lacunes qui renferment de l’air. Ainsi les rameaux de l’utriculaire portent de petites vessies aériennes appelées ascidies. Dans l’aldrovandia vesiculosa, ce sont les feuilles elles-mêmes, dans certains fucus ce sont les frondes qui deviennent vésiculeuses. Le pétiole des feuilles aériennes du trapa natans, du pontederia crassipes, se remplit également d’air. De même les tiges de beaucoup de plantes aquatiques, les nymphœa, le nelumbium, les jussiœa, l’aponogeton dystachion, les pilulaires, les joncs, sont creusées de grandes lacunes aériennes cloisonnées[2]. L’eau a même le pouvoir de transformer certains organes et de les adapter à des fonctions complètement différentes de, celles qu’ils remplissaient originairement. Le jussiœa repens est une plante aquatique produisant de longs rameaux ou stolons, maintenus à la surface de l’eau par des corps cylindriques, spongieux, d’un blanc rosé, qui jouent le rôle de

  1. Voyez Delessert, Icônes selectœ, t. III, fig. 99.
  2. Duval-Jouve, De quelques joncs à feuilles cloisonnées, 1872.