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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/17

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qu’à Rouen et à Elbeuf, pour les conduire à l’ennemi, et en même temps maintenir énergiquement l’ordre, contenir tous les déchaînemens révolutionnaires. Ce n’était vraiment pas une œuvre facile dans des conditions où il y avait tout à faire et où il fallait tout faire au plus vite. Les difficultés étaient de toute nature, militaires, financières, politiques. M. Estancelin avait emporté en quittant Paris les plus libérales promesses du gouvernement ; mais au moment de s’occuper de l’habillement, de l’équipement, on ne recevait plus rien, ni argent ni mandats. L’armement était dans le plus déplorable état, il n’y avait ni fusils ni canons ; la ville de Rouen avait pour toute défense quelques vieilles pièces hors de service. On pouvait tout trouver en Angleterre ; mais bientôt survenait un décret interdisant aux départemens et aux villes l’achat des armes à l’étranger, pour réserver à une commission supérieure d’armement, qui venait d’être créée à Tours, le monopole des opérations de ce genre, et le décret avait ce résultat singulier, que d’un côté on ne pouvait plus rien acheter à l’étranger, et que de l’autre on ne pouvait rien obtenir de la commission supérieure de Tours. Le gouvernement envoya quelques batteries d’artillerie qui étaient loin de suffire.

Ce n’est pas tout ; les conditions politiques étaient des plus graves, Rouen avait échappé aux désastreuses dominations démagogiques qui régnaient à Lyon, à Marseille, à Toulouse. Les mêmes élémens de désordre existaient cependant. Les agitateurs du radicalisme et de l’Internationale se réunissaient dans un « comité de vigilance, » et naturellement on criait à la trahison, on réclamait la dissolution du conseil municipal, la destitution de tous les fonctionnaires, l’enrôlement des congréganistes, la levée en masse, le droit de former des corps-francs « en dehors de l’action des autorités, » etc. On était obligé de se débattre avec ces turbulences, qui ne faisaient qu’ajouter à la confusion. Malgré ces difficultés de toute sorte, on agissait cependant autant qu’on le pouvait ; on travaillait de son mieux à s’organiser et à s’armer. Le général Gudin, établissait les forces dont il disposait sur l’Andelle, faute de pouvoir couvrir la première ligne de l’Epte, et de son côté M. Estancelin, avec un détachement de la garde nationale de Rouen, tentait aux derniers jours de septembre une reconnaissance assez hardie jusqu’à Mantes, où la présence, des Prussiens avait été signalée ; on poussa même jusqu’à Meulan. C’est la seule force française qui se soit approchée si près de Paris pendant cinq mois, Malheureusement c’était une reconnaissance inutile, il n’y avait eu que quelques coureurs ennemis qui avaient disparu. Les Prussiens n’arrivaient pas par Meulan et par Mantes, ils arrivaient d’un autre côté, et ce qui