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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/171

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ovale derrière les antennes. On a trouvé de ces insectes aveugles dans les cavernes de tous les pays. M. de Bonvouloir[1] en énumère vingt et une espèces dans les grottes des Pyrénées ; on en a signalé un grand nombre dans les cavernes de l’Amérique du Nord ; tous appartiennent à des genres américains comme ceux d’Europe appartiennent à des genres européens. On peut, avec M. Vogt, résumer la question en disant que partout ces insectes sont caractérisés par l’absence des yeux, une coloration moindre, la mollesse relative du corps et la diminution des ailes. Des faits que nous venons de citer, il est impossible de ne pas conclure que c’est la lumière qui entretient et développe l’organe de la vision ; dans l’obscurité, celui-ci disparaît, et l’on est invinciblement amené à penser, comme Lamarck, que c’est le milieu qui maintient les organes : le milieu changeant, ils disparaissent sans retour.

Ce que nous avons dit de l’œil s’applique à tous les appareils, quelle que soit la nature des fonctions qu’ils accomplissent ; l’exercice les développe, le manque d’usage les atrophie, et ces modifications se transmettent par hérédité. Nous nous servons généralement beaucoup moins du bras gauche que du bras droit, aussi celui-ci est-il plus gros, plus lourd, et toutes ses parties, os, muscles, nerfs, artères, sont-elles plus fortes que celles du côté opposé. Le naturaliste hollandais L. Harting s’est assuré que ces différences existent déjà chez le nouveau-né qui n’a encore fait aucun usage de ses membres ; de là une tendance innée à se servir de préférence du bras droit, indépendamment de l’exemple et de l’éducation. Dans les autruches, animaux trop lourds pour pouvoir s’élever dans les airs, les jambes se sont fortifiées et allongées, les ailes ont diminué et ne font plus qu’office de voiles lorsque l’oiseau court dans le sens du vent. Chez le casoar et l’apterix, les ailes sont réduites à un rudiment inutile caché sous les plumes du corps, parce que le genre de vie de ces animaux est complètement terrestre : se nourrissant de vermisseaux et de petits reptiles, ils courent, mais ne volent pas.

On a vu que chez les oiseaux tout à fait aquatiques, tels que les manchots et les pingouins, ces mêmes ailes se sont converties en nageoires ; par contre, dans les poissons volans les nageoires pectorales ont assez d’envergure pour qu’ils puissent s’élancer hors de l’eau et se soutenir quelque temps dans l’air, afin d’échapper à leurs ennemis. Ces nageoires présagent pour ainsi dire les ailes des oiseaux et des chauves-souris. Au contraire dans les anguilles, les lamproies et les myxines, dont le corps cylindrique et allongé glisse facilement dans l’eau, les nageoires pectorales et ventrales,

  1. Bulletin de la Société Ramond, t. Ier, p. 131.