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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/332

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réformes ; pendant qu’Alexandre II préparait l’affranchissement des serfs, sa femme se vouait, elle aussi, à une œuvre d’émancipation.

C’est en Allemagne et en Suisse qu’il fallait chercher les modèles que la Russie allait dépasser. Un des plus beaux types d’écoles de filles (Töchter-Schule) est celle qui s’ouvrit à Berne vers 1836 sous le nom d’École pour les filles de la ville (Einwohner- Müdchenschule) et dont Frœhlich prit la direction vers 1840. Elle avait été fondée par une société d’actionnaires. Frœhlich y organisa en même temps l’enseignement secondaire (six classes) et l’enseignement primaire (quatre classes). Il compléta son système en créant une école d’enfans et une école de perfectionnement. Cette dernière était une sorte d’école normale où les jeunes filles se formaient aux fonctions d’institutrice ; à côté de celles qui se destinaient à l’enseignement venaient s’asseoir d’autres jeunes filles qui voulaient s’initier à la science pédagogique pour se consacrer plus utilement un jour à l’éducation de leurs propres enfans. Le cycle total des études pouvait donc comprendre une quinzaine d’années : l’enfant entrait à l’école vers quatre ou cinq ans, la jeune fille en sortait à dix-neuf ou vingt ans. Frœhlich a formulé dans une série d’axiomes les principes du système nouveau, opposés de tout point à ceux de la grande Catherine II. « Le but de l’éducation féminine, dit-il, est le même pour toutes les classes. Riche ou pauvre, l’enfant ne doit être rien de plus, ne doit être rien de moins qu’une fille obéissante, une bonne sœur, une jeune fille vertueuse, et, dans le reste de sa carrière féminine, une épouse fidèle, une mère dévouée, une intelligente maîtresse de maison… Il s’agit d’éveiller toutes ses forces intellectuelles et de leur donner un développement suffisant pour qu’elle soit capable de poursuivre par elle-même le but de la vie dans les conditions qui lui sont imposées par son sexe… L’éducation des jeunes filles se fait à la fois dans la maison et dans l’école ; à la famille incombe surtout le devoir de l’élever pour son rôle futur dans la maison et dans la famille, à l’école le devoir de cultiver son esprit… Dans les rapports de l’école et de la maison, il n’est pas douteux que le rôle de la famille ne soit prépondérant[1]. » Frœhlich, aidé par une pléiade d’excellens maîtres et maîtresses, a formé un grand nombre d’élèves, qui allèrent porter dans toute la Suisse et l’Allemagne ses principes et ses méthodes.

L’impératrice Maria-Alexandrovna, qui sans doute avait assisté dans sa patrie d’origine au développement de ces institutions, chargea le professeur Wychnegrobski d’aller étudier en Allemagne les écoles de filles. Son rapport ayant été favorable, on se mit à

  1. Die Einwohner-Mädchenschule in Bern ; Berne 1861.