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pouviaent se produire par l’ouest d’Amiens. Au centre, à Querrieux, à Pont-Noyelles, se tenait une autre division. Ainsi établi, Faidherbe attendait avec confiance une attaque que l’ennemi semblait, lui aussi, attendre de son côté. Cependant déjà le 22 décembre une forte reconnaissance allemande lancée sur Querrieux était vigoureusement repoussée par le 18e bataillon de chasseurs à pied et un bataillon du 33e de ligne. Alors le général de Manteufïel se décidait à l’attaque, et le 23 s’engageait la bataille qui a gardé pour les Français le nom de Pont-Noyelles, que les Allemands ont appelée la bataille de l’Hallue.

Le matin, le feu s’ouvrait de tous les côtés par une canonnade échangée entre les hauteurs de la rive droite, appartenant aux Allemands, et les hauteurs de la rive gauche, occupées par les batteries françaises. Le général de Gœben devait attaquer de front les positions qui couvrent la route de Corbie pendant qu’une autre de ses divisions devait essayer de tourner le flanc droit de notre armée. Tant qu’il ne s’agissait que de s’avancer dans la vallée de l’Hallue, les Prussiens gagnaient facilement du terrain, repoussant nos postes et nos tirailleurs, qui avaient du reste l’ordre de se replier en combattant ; mais c’est ici que la lutte prenait un caractère des plus sérieux, sur cette courbe de 12 kilomètres où se livrait la bataille. Sur la droite, le général Derroja tenait tête avec avantage au mouvement tournant par lequel l’ennemi voulait déborder l’armée française. Sur la gauche, du côté de Daours, les marins de l’amiral Moulac soutenaient un combat acharné. Au centre, les Allemands avaient passé l’Hallue, ils commençaient à gravir les pentes, ils étaient à Pont-Noyelles. Au-delà, ils étaient arrêtés par la résistance la plus opiniâtre, et même rejetés en partie jusqu’à la rivière. La bataille restait toujours incertaine. A quatre heures de l’après-midi, le général Faidherbe décidait un retour offensif, une attaque générale pour reprendre les villages. Tout semblait réussir d’abord, nos soldats rentraient à Pont-Noyelles, à Daours, lorsque la nuit venait interrompre le combat, et à la faveur de la nuit une surprise amenait une évacuation nouvelle des villages. A qui restait définitivement la victoire ? Les Français avaient à peu près 1,200 hommes hors de combat, les pertes de l’ennemi étaient certainement plus graves. Les Prussiens gardaient la vallée de l’Hallue, nos soldats restaient sur les hauteurs, maîtres de leurs positions. Ils bivouaquaient sur place par une nuit sombre, sous une température de 7 ou 8 degrés de froid, n’ayant pas de bois pour se réchauffer et nourris d’un morceau de pain gelé.

L’affaire restait si bien indécise que le lendemain les deux armées se retrouvaient face à face en ordre de bataille. Le général de Manteuffel, selon les récits allemands, hésitait à reprendre