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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/489

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régnait en France. Après l’audience, le mikado faisait offrir à M. Outrey quelques présents diplomatiques : des boîtes de laque, des étoffes de Kioto, des porcelaines de Satzouma.

Une des principales préoccupations du mikado paraît être d’acclimater au Japon l’étiquette en vigueur dans les grandes cours de l’Europe : comme les souverains européens, il passe des revues, il préside le conseil des ministres, il visite les provinces de son empire ; il assiste aux grandes cérémonies, il reçoit le corps diplomatique. En 1872, à l’occasion du premier jour de l’an japonais, il donna une audience solennelle aux représentans étrangers, et le ministre d’Italie, en sa qualité de doyen du corps diplomatique, lui adressa des souhaits de bonne année, auxquels il répondit par quelques paroles courtoises. Au mois de juin dernier, il reçut le chargé d’affaires de France, M. le comte Paul de Turenne, qui lui présenta l’amiral Garnaud, et, à leur entrée dans la salle du trône, il se leva, au lieu de rester assis, ainsi que cela se pratiquait autrefois. Le surlendemain, le souverain quittait Yeddo, avec une flotte composée de huit navires, pour se rendre dans la mer intérieure et visiter les provinces du sud. Il portait, en partant, l’uniforme de général de division français. Le voyage dura deux mois. Partout les populations se pressèrent sur le passage du monarque, en lui prodiguant les marques de leur respect. Le 15 octobre, il assistait à l’inauguration solennelle du chemin de fer de Yokohama à Tokio[1]. Il avait près de lui, en cette circonstance, un des frères du dernier taïcoun. C’était la première fois qu’un des princes de la famille déchue paraissait dans une cérémonie publique. On en concluait qu’un remarquable apaisement s’était fait depuis quelques mois, et que dans les conseils du gouvernement les idées de conciliation tendaient de plus en plus à prévaloir.

Chaque jour apporte une nouvelle preuve de la marche progressive du gouvernement. Le ministre de la justice, qui s’est attaché la collaboration de plusieurs Français, préside une commission de légistes et de conseillers d’état chargée de libeller un code de procédure civile conforme au nôtre. Quand ce premier travail aura été terminé, la même commission s’occupera de rédiger en langue japonaise nos codes d’instruction criminelle et de commerce. Le chemin de fer reliant les faubourgs de Yeddo à Yokohama a été livré au public en juin, et il amène les voyageurs, non pas à l’extrémité, mais au centre même de la capitale du Japon. L’on presse les travaux de la ligne ferrée qui doit mettre en communication directe Hiogo et Osaka d’une part, et de l’autre Osaka et Kioto. Depuis la

  1. Tokio est le nouveau nom de la capitale, c’est-à-dire Yeddo ; l’ancien nom est le seul connu en Europe.