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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/50

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de l’ennemi héréditaire. « Pour les puissances alliées, dit M. Delbrück, toute la valeur du projet qui vous est soumis réside en ce fait, que le budget triennal prouvera au monde entier notre ferme volonté d’être prêts à faire la guerre en 1874, comme nous le sommes aujourd’hui. Les gouvernemens de l’Allemagne ne perdent point de vue qu’un conflit peut éclater immédiatement, et que, malgré l’heureuse issue de la dernière campagne, la paix n’est rien moins que garantie pour longtemps. Le traité conclu avec la France, ne sera entièrement exécuté qu’en 1874. Or chacun de vous, j’en suis sûr, lit les journaux et prête l’oreille aux échos de ce pays… Chacun de vous sait qu’on y parle tout haut de la revanche en lui assignant pour terme le jour où le dernier milliard aura été payé. Le gouvernement français est hostile à ces courans, et nous avons l’entière confiance qu’il remplira avec une loyauté parfaite ses engagemens ; mais vous connaissez la situation de nos voisins. Vous savez que ce peuple, de nature impétueuse et gonflé d’orgueil national, cherche en ce moment son centre de gravité. Quelles alternatives devons-nous craindre jusque-là ? Personne ne saurait le dire. Notre mission est de faire tous les efforts possibles pour qu’il atteigne ce but rapidement, et sans trop de secousses pour le monde. Je partage l’opinion de ceux qui pensent que l’essai d’une revanche ne serait pas plus heureux que les précédentes tentatives contre l’indépendance de l’Allemagne ; mais enfin cela ne dépend pas de moi. Avant toutes choses, nous devons empêcher une agression qui verserait sur nous des malheurs incalculables, même en nous laissant la victoire. En un mot, notre devoir est de maintenir la paix jusqu’au moment critique, et, pour obtenir ce résultat, il n’est rien de plus efficace que d’assurer le sort de l’armée jusqu’en 1874. »

Cette vigoureuse sommation ne pouvait manquer de convertir un certain nombre de députés au projet du gouvernement. MM. Bamberger et Miquel déposèrent alors un nouvel amendement pour réduire à deux années la durée de la concession ; mais le ministère en demanda le rejet, « parce que ce serait le pire des expédiens. » L’amendement fut écarté par 190 voix contre 84, et le budget triennal adopté par 152 voix contre 128, c’est-à-dire avec une majorité de 24 voix seulement. Les membres du Reichstag qui avaient accepté le compromis dans l’espoir de contenir, au moins pendant quelques années, les prodigalités du budget de la guerre, doivent reconnaître aujourd’hui leur méprise. Quoique l’administration ait perdu par ce vote la faculté d’élever avant 1875 le chiffre de la capitation, ses journaux annoncent pour 1873 un accroissement de dépenses de près de 40 millions, motivé par la réforme du