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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/513

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commerciales, le gouvernement khivien a compris le péril, et il s’est appliqué à le conjurer. Il a d’abord envoyé de nombreuses députations dans le Khokand, dans l’Yarkend et au Caboul, pour solliciter des alliances. Des émissaires ont parcouru, durant ces dernières années, toutes les régions du Turkestan, afin d’organiser la guerre sainte contre les infidèles. En même temps, le khan s’adressait à Constantinople ; puis il se rabattit sur Calcutta, implorant l’intervention amicale du vice-roi de l’Inde ou un envoi d’armes et d’argent. Lord Northbrook se contenta de lui transmettre de bons conseils sur la nécessité de vivre en paix avec ses voisins, de respecter le droit des gens et de protéger le commerce. Ces avis charitables, mais peu compromettans, n’étaient point de nature à rassurer le khan de Khiva contre la perspective d’une attaque russe qui lui apparaissait déjà très menaçante. La Russie venait en 1869 d’établir des postes militaires sur la côte orientale de la mer Caspienne ; elle avait construit, à la limite du désert, un fort considérable, d’où étaient déjà sorties, comme avant-gardes sur la route de Khiva, plusieurs explorations scientifiques. Après avoir vainement invoqué l’assistance de ses voisins, prêché la guerre sainte et frappé à toutes les portes, même à celles des infidèles, le khan jugea qu’il ne lui restait plus qu’à fléchir son redoutable adversaire et à se mettre à sa merci.

Vers la fin de 1871, le khan expédia en Russie deux ambassades. L’une, composée de six personnes, sous la direction de Mehemmed-Emin, arriva le 21 février à Alexandrovsk, pour de là se rendre à Tiflis et remettre au grand-duc une dépêche très amicale, par laquelle on s’engageait à rendre à la liberté les sujets russes retenus en esclavage à Khiva. Bien accueillis par le colonel Lamakin, commandant la place d’Alexandrovsk, les envoyés ne purent dépasser Temir-Khan-Choura, dans le Daghestan ; le grand-duc fit dire qu’il n’était pas disposé à les voir, et il leur ordonna de rebrousser chemin. L’autre ambassade ne fut pas plus heureuse. Son chef, Atalik-Irnazar, gouverneur du district des Karakalpaks, devait aller à Saint-Pétersbourg, et il portait au tsar de nombreux cadeaux, parmi lesquels figurait une paire de magnifiques chevaux ; mais, arrivé à Orenbourg, il reçut l’ordre de s’en retourner. L’échec était donc complet, le khan voyait repousser ses diplomates, ses promesses et ses cadeaux ; après ce double affront, il ne lui était plus permis de se faire illusion sur les visées de la politique moscovite, et il ne lui restait qu’à préparer ses moyens de défense.

Khiva peut mettre en campagne près de 25,000 hommes de cavalerie fournis par les Euzbegs, et quelques escadrons auxiliaires provenant des tribus qui parcourent les steppes. Il n’est pas besoin de dire que ces troupes sont mal commandées, indisciplinées et pourvues d’armes très primitives ; elles n’ont pour elles que l’habitude du climat et la connaissance parfaite du terrain ; ces avantages, si précieux qu’ils soient, ne leur suffisent pas pour lutter avec quelque chance de succès contre