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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/588

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entendus ; il a duré trois heures[1]. » Le maiden speech de lord Palmerston paraît avoir été bien accueilli, et il marqua dès lors sa place, non point parmi les orateurs éloquens de son époque, titre auquel il n’a jamais prétendu, mais parmi les debaters les plus diserts et les mieux écoutés.

Une autre de ces expéditions par lesquelles l’Angleterre s’efforçait de tenir tête à l’ascendant, irrésistible alors, de Napoléon vint donner un éclat inattendu à la carrière officielle de lord Palmerston. Voyant en 1809 les principales armées de l’empire engagées dans sa nouvelle guerre contre l’Autriche et dans sa guerre interminable contre l’Espagne, le cabinet anglais avait dirigé sur les côtes de la Hollande des forces de terre et de mer ; mais les lenteurs de lord Chatham, fils du célèbre ministre, qui les commandait et auquel nos soldats avaient donné le sobriquet assez mérité de lord J’attends, les fièvres redoutables du littoral et les rapides triomphes de Napoléon entraînèrent pour cette aventure le résultat le plus désastreux. L’opinion publique s’émut, de graves dissentimens, portés en définitive jusque sur le terrain, éclatèrent entre M. Canning et lord Castlereagh, qui se renvoyaient la responsabilité de la catastrophe, et le cabinet du duc de Portland tomba en pleine dissolution. Le parti tory n’en restait pas moins maître incontesté de l’arène parlementaire, et M. Perceval fut désigné pour former dans ses rangs un nouveau ministère. Frappé de la capacité de lord Palmerston, il lui proposa les importantes fonctions de chancelier de l’échiquier, c’est-à-dire la direction effective des finances avec un siège au conseil. C’était la position même que le second Pitt avait occupée moins âgé encore de deux ans ; mais Henry Temple n’avait rien de cette ardente vocation qui avait porté « le jeune prodige » dès l’abord de la vie politique à considérer le gouvernement de son pays comme sa mission providentielle, le premier rang dans le parlement comme sa place prédestinée. Il n’avait rien, comme nous

  1. Si l’expédition de Copenhague a été justement flétrie comme un abus de ses forces indigne d’une nation généreuse, il faut malheureusement convenir que la conduite de Napoléon ne fournissait pour de tels actes que trop de précédons. La lettre suivante, devenue publique depuis, signale les motifs qui ont déterminé alors le cabinet anglais.
    « Au maréchal-Bernadotte, gouverneur des villes anséatiques.
    « Saint-Cloud, 2 août 1807.
    « Je ne veux pas tarder à vous faire connaître mes intentions, qu’il faut tenir secrètes jusqu’au dernier moment. — Si l’Angleterre n’accepte pas la médiation de la Russie, il faut que le Danemark lui déclare la guerre ou que je la déclare au Danemark. Vous serez destiné, dans ce dernier cas, à vous emparer de tout le continent danois.
    « NAPOLEON. »