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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/604

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La révolution venait de déchirer violemment sur ce point les traitée de 1815 ; d’accord avec l’Angleterre, la France était appelée à défendre et à sanctionner cette violation par sa diplomatie et par son épée. — Or, parce qu’en ces circonstances mêmes son gouvernement ne professait pas pour ces mêmes traités le dévoûment à toute épreuve qui animait l’Angleterre dès qu’elle les invoquait contre nous, de violentes diatribes étaient adressées à nos représentans. Les volontés du peuple belge devaient faire loi, quand même ce peuple, écrasé par le roi de Hollande, ne devrait son commencement d’existence qu’à la protection des armes françaises ; mais la volonté du peuple français ne devait compter pour rien. Lord Palmerston croyait répondre à tout en signalant le désintéressement de l’Angleterre. Pouvait-il oublier que ces traités, fondés sur le triomphe le plus absolu de son pays et de ses alliés, n’auraient jamais pu être imposés ou même proposés à la France sans les revers accablans qui les avaient précédés ? Pouvait-il oublier que, vingt fois durant la guerre précédente, la Grande-Bretagne et l’Europe auraient signé des deux mains des arrangemens qui eussent consacré, pour le moins, à notre égard les stipulations territoriales de la paix d’Amiens ? En 1829 encore, il est constant que la Russie, pour prix de notre alliance, aurait contribué très efficacement à la reprise par nous d’une partie de nos anciennes possessions. Lord Palmerston le savait mieux que personne, car nous lisons dans son intéressante correspondance de Paris à cette époque : « Pozzo di Borgo assure secrètement la France que, si dans le cas d’une guerre générale elle prend parti pour la Russie, la Russie de son côté l’aidera à reprendre la frontière rhénane, » — et ailleurs : « Vous aurez eu, bien entendu, connaissance de l’entente établie, il y a un an, entre la Russie et la Prusse, d’après laquelle, dans certaines éventualités, la France se porterait sur le Rhin au détriment de la Hollande et de la Prusse. La Prusse se dédommagerait en prenant la Saxe ; le roi de Saxe serait transféré dans le Milanais, et la Hollande obtiendrait quelque équivalent sur sa frontière septentrionale. J’ai appris ceci l’autre jour à Paris d’une source qui me donne tout lieu de croire la nouvelle fondée. »

Bien que la révolution de juillet, en alarmant et en éloignant de nous tant de souverains, n’ait point été dès l’abord favorable à notre situation européenne, était-il surprenant que nos hommes d’état aient songé parfois à demander, dans une mesure très restreinte, à l’alliance anglaise les avantages que l’alliance russe leur offrait avec tant d’empressement ? Lord Palmerston était parfaitement libre de s’y refuser ; peut-être même nous conseillait-il sagement en nous rappelant les exigences extrêmes dont, grâce à la