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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/629

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opportun. M. Villemain a quelques pages excellentes sur cette mission délicate. Brûlant de zèle pour la réforme, Etienne IX signala de son côté son avènement par deux grands actes, la promotion du respectable Pierre Damiani à l’évêché d’Ostie, et l’entreprise de la réforme du clergé de Milan, où les plus grands déréglemens déshonoraient l’église. « On y voyait, dit Baronius d’après un contemporain, des prêtres passant leur vie à chasser au chien ou à l’oiseau ; d’autres hantaient les tavernes et les maisons suspectes, d’autres étaient connus comme usuriers déhontés ; presque tous vivaient publiquement en concubinat réglé ou avec des filles perdues, tous pratiquaient scandaleusement la simonie, du plus humble au plus grand, nul n’était exempt de reproche. » Tel était l’état déplorable où était tombée l’église de saint Ambroise[1]. Etienne, dirigé par Hildebrand, assembla des conciles et frappa de coups répétés le diocèse de Milan. Arrêté par une fin trop prompte après quelques mois de pontificat, Etienne IX réunit les évêques et les grands autour de son lit de mort, et leur enjoignit, sous peine d’anathème, de ne pas lui nommer un successeur avant le retour d’Hildebrand de son voyage d’Allemagne, — ce qui n’empêcha pas la nomination d’un antipape éphémère de la part de la faction, de Tusculum, persistante à reconquérir sa vieille et pernicieuse domination[2]. Cet antipape, subrepticement intronisé, « siégeait depuis quelques mois, dit M. Villemain, lorsque le redoutable Hildebrand revint de la cour d’Allemagne, où il avait déjà reçu les plaintes des hommes attachés à son parti. Il s’arrêta dans Florence, et de là il écrivit aux Romains pour leur reprocher une élection faite en son absence, au mépris d’un décret du dernier pontife. Il parut même qu’il invoquait alors le droit de l’empire à l’élection des papes. » Un grand nombre d’évêques se joignirent à lui, et le profond politique fit élire dans leur assemblée un évêque de Florence, Gérard, né sujet de l’empire, natione Allobros, qui alio vocabulo Burgundio dicitur[3], candidat sur lequel s’accordèrent les suffrages germaniques et les suffrages romains, in quem et Romanorum et Teutonicorum studia consenserant, dit le chroniqueur bien informé Lambert d’Aschaffenbourg.

En effet, Hildebrand avait rencontré chez Agnès d’Aquitaine, veuve de Henri III et tutrice du jeune Henri IV âgé de huit ans, un esprit vif et sympathique, prompt à saisir les difficultés de la situation, et disposé à céder ce qu’elle ne pouvait plus retenir, à savoir la haute direction de l’église romaine, que son royal époux avait si

  1. Voyez Baronius-Theiner, t. XVII, p. 132, et Watterich, t. Ier, p. 199.
  2. Voyez Giesebrecht, loc. cit., p. 20 et 1052. L’historien allemand appelle Etienne X celui que l’Art de vérifier les dates nomme Etienne IX.
  3. Voyez Watterich, loc. cit., t. Ier, p. 204.