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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/681

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dépendent de sa structure. Chacun, en vertu d’une harmonie préétablie, se rencontre dans ce que demandent les autres ; mais de même que chacun vit pour son compte, chacun meurt pour son compte. Et la preuve qu’il en est ainsi, c’est que certaines parties prises sur un mort peuvent être transportées sur un vivant sans avoir éprouvé d’interruption dans leur activité physiologique ; la preuve, c’est que beaucoup d’organes qui semblent morts peuvent être excités à nouveau, réveillés de leur torpeur et sollicités à des manifestations vitales extrêmement remarquables. C’est ce que nous allons maintenant considérer.


II

La mort paraît définitive dès l’instant que les battemens du cœur sont arrêtés sans retour, parce que, la circulation du sang ne se faisant plus, la nutrition des organes devient impossible et que la nutrition est nécessaire à l’entretien de l’harmonie physiologique ; mais, comme nous l’avons dit plus haut, il y a dans l’organisme mille petits ressorts qui conservent une certaine activité après que le grand ressort central a perdu la sienne. Il y a une infinité d’énergies partielles qui survivent à la destruction de l’énergie principale et ne se retirent que peu à peu. Dans les cas de mort subite surtout, les tissus gardent fort longtemps leur vitalité propre. D’abord la chaleur ne disparaît que lentement, d’autant plus lentement que la mort a été plus rapide. Plusieurs heures après la mort, les cheveux, les poils et les ongles poussent encore ; l’absorption ne s’arrête pas davantage. Enfin la digestion elle-même se continue. L’expérience que réalisa Spallanzani pour le prouver est très curieuse. Il imagina de faire manger à une corneille une certaine quantité de viande et de la tuer immédiatement après ce repas. Il la mit ensuite dans un endroit dont la température était égale à celle d’un oiseau vivant, et il l’ouvrit au bout de six heures. La viande était complètement digérée.

Outre ces manifestations générales, le cadavre est encore capable pendant quelque temps d’activités de divers ordres. Il est difficile de les étudier sur des cadavres d’individus morts de maladie, parce qu’on ne soumet ceux-ci aux investigations anatomiques que vingt-quatre heures après la mort ; mais les corps des suppliciés, qui sont livrés aux savans peu d’instans après l’exécution, peuvent servir à l’étude de ce qui arrive immédiatement après l’arrêt de la machine vivante. En mettant le cœur à découvert quelques minutes après l’exécution, on observe des battemens qui persistent pendant plus d’une heure, au nombre de quarante à quarante-cinq par minute,