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complètement, comme on l’a cru longtemps. M. Bouchut a démontré que dans les syncopes les plus graves les battemens du cœur persistent, plus faibles, plus rares, plus difficiles à entendre que dans la vie normale, mais nettement perceptibles lorsqu’on applique l’oreille sur la région précordiale. D’autre part, les muscles conservent leur souplesse et les membres leur flexibilité.

L’asphyxie, qui est proprement l’arrêt de la respiration et par suite de la révivification du sang, a quelquefois pour conséquence une syncope grave suivie de mort apparente, dont les victimes reviennent au bout d’un temps plus ou moins long. Cet état peut être déterminé soit par la submersion, soit par l’absorption d’un gaz irrespirable comme l’acide carbonique du fond des puits, les exhalaisons des fosses d’aisances et le grisou des mines, soit par la strangulation. En 1650, on pendit à Oxford une femme du nom d’Anne Green. Elle avait été pendue durant une demi-heure, et plusieurs personnes, pour abréger ses souffrances, l’avaient tirée par les pieds de toutes leurs forces. Après qu’on l’eut mise dans le cercueil, on s’aperçut qu’elle respirait encore. Les aides du bourreau essayèrent de l’achever, mais, grâce à l’assistance de quelques médecins, elle revint à la vie, et vécut encore longtemps. La submersion détermine une syncope non moins profonde et pendant laquelle, chose curieuse, les facultés psychiques conservent une certaine activité. Des matelots noyés, et ensuite retirés à temps, ont raconté que pendant leur submersion ils s’étaient transportés en idée dans leur famille et avaient songé avec tristesse aux chagrins dont leur mort allait être la cause. Après quelques minutes de calme physique, ils avaient éprouvé de violentes coliques de cœur : celui-ci semblait se tordre dans leur poitrine ; puis à cette angoisse succédait un anéantissement complet de l’esprit. Il est d’ailleurs assez difficile de préciser combien de temps la mort apparente peut se prolonger dans un organisme submergé. Cela varie beaucoup avec les tempéramens. Dans les îles de l’archipel grec, dont l’industrie consiste à recueillir les éponges du fond de la mer, les enfans ne boivent de vin que lorsque, par l’exercice, ils se sont habitués à rester un certain temps sous l’eau. Les vieux plongeurs de l’Archipel disent que le moment de venir respirer à la surface leur est indiqué par des convulsions douloureuses des membres et un resserrement très pénible de la région du cœur. Cette faculté de supporter un certain temps l’asphyxie et de résister à la suspension volontaire des mouvemens respiratoires a été observée dans d’autres circonstances. On cite le cas d’un Hindou qui se glissait dans les endroits palissades du Gange où les dames de Calcutta vont se baigner, en saisissait une par les jambes, la noyait et la dépouillait de ses bijoux. On la croyait