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autopsies et les inhumations avant l’expiration complète d’un délai de vingt-quatre heures à partir de la déclaration du décès restent d’ailleurs de sages précautions, mais qui n’enlèvent rien à la certitude du témoignage fourni par l’arrêt du cœur. Quand le cœur a définitivement cessé de battre, il n’y a plus de résurrection possible, et la vie qui l’abandonne se dispose à entrer dans un nouveau cycle.

Hamlet, dans son célèbre monologue, parle de « la contrée non découverte dont la frontière n’est repassée par aucun voyageur, » et il se demande mélancoliquement quels sont les rêves de l’homme auquel la mort a ouvert les portes des sombres lieux. On ne saurait, au nom de la physiologie, répondre avec plus de certitude que ne fait le personnage, shakspearien. La physiologie est muette sur les destinées de l’âme après la mort ; elle ne nous en apprend rien, elle ne peut rien nous en apprendre. Il est évident et il serait puéril de nier que toute manifestation psychique ou affective, et toute représentation concrète de la personnalité sont impossibles après la mort. La dissolution de l’organisme anéantit certainement et nécessairement les fonctions sensitives, motrices et volitives, inséparables d’un certain ensemble de conditions matérielles. On ne peut sentir, mouvoir et vouloir qu’autant qu’on a des organes de réception, de transmission et d’exécution. Ces affirmations de la science sont indiscutables et doivent être acceptées sans réserve. Nous instruisent-elles de la destinée des principes psychiques eux-mêmes ? Encore une fois, non, et pour cette raison bien simple, que la science n’atteint pas ces principes ; mais la métaphysique, qui les atteint, nous autorise, bien plus, nous oblige à croire qu’ils sont immortels. Ils sont immortels comme les principes de mouvement, comme les principes de perception, comme toutes les unités actives du monde. Qu’est-ce qui caractérise ces unités en général ? C’est d’être simples, c’est-à-dire indestructibles, c’est d’être en connexion harmonique les unes avec les autres, de telle façon que chacune perçoive l’ordre infini des autres. Si cette connexion n’existait pas, il n’y aurait pas de monde. Qu’est-ce qui caractérise les unités psychiques en particulier ? C’est d’avoir en outre la conscience d’une telle perception, le sentiment des rapports qui lient tout, et les facultés plus ou moins développées qu’impliquent cette conscience et cette perception. Or pourquoi ces unités seraient-elles plus périssables que les autres ? Pourquoi, si toutes les forces, toutes les activités, sont éternelles, celles-là seules n’auraient point l’éternité qui ont ce noble privilège, à savoir la conscience des rapports infinis que les autres supportent sans le savoir ?

Pour concevoir l’immortalité de l’âme, il faut donc se placer à ce point de vue, où les hommes ne s’élèvent qu’avec difficulté, de