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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/788

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idée hardie. Il ne se contente pas d’accomplir en détail une véritable révolution ; il n’hésite pas à y mettre le sceau révolutionnaire, et à ouvrir à la législation fédérale une ère indéfinie de réformes nouvelles.


IV

Il y a longtemps que la codification du droit civil est l’un des vœux les plus ardens des jurisconsultes, l’un des intérêts les plus pressans du commerce et de l’industrie. L’unité de législation devient un besoin chaque jour plus impérieux à mesure que les affaires se développent, que les relations se multiplient, et que les intérêts se compliquent. La diversité de législation qui règne en ce pays, et qui a ses avantages au point de vue politique, a dans la pratique journalière de la vie des conséquences vraiment fâcheuses, souvent ridicules. Quand on traverse la Suisse, on peut se trouver soumis, en une demi-journée, à dix législations différentes. Un mariage contracté dans un canton n’est pas valable dans un autre ; les conditions d’hérédité et de successibilité varient à chaque pas. Dans tel canton, l’âge de la majorité est fixé à dix-neuf ans, dans tel autre à vingt ans ou à vingt-trois ans. Rien de plus incohérent que les droits qui résultent des lois sur les obligations ou sur les relations commerciales. Quand par hasard, et cela arrive fréquemment, une industrie occupe le territoire de plusieurs cantons, on ne sait quel est le droit qui la régit. Or il ne saurait y avoir aucune sécurité dans les affaires sans une loi commerciale unique. On voit même, dans certains petits cantons, des lois de circonstance faites en vue de telle ou telle entreprise particulière. Dans plusieurs cantons par exemple, le privilège hypothécaire est accordé de préférence aux parens du débiteur ; la loi du canton de Zug a fort adroitement complété cette combinaison en conférant au créancier hypothécaire du premier rang le droit de désigner lui-même celui qui viendra en seconde ligne. C’est ce qu’un membre du conseil des états, M. Vigier, appelait avec raison « le pillage réciproque des codes. » La législation fédérale a essayé de remédier à cette anarchie en édictant un code de commerce. Cela n’a pas suffi, car, pour mettre un terme au désordre, il faut remonter jusqu’à la législation civile elle-même et définir uniformément les obligations.

Les partisans de l’ancienne diversité répondent qu’elle doit être maintenue, parce qu’elle est une des richesses du génie national, et que d’ailleurs elle est plus utile que nuisible, car les divers cantons ont moins de relations entre eux qu’avec les pays voisins. Ils s’en rapprochent déjà par la langue et la facilité des communications,