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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/790

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cité cantonal. On les appelle les heimathlose, les gens sans patrie, — et c’est dans leur propre pays qu’ils n’ont pas de patrie ! Il a fallu une législation spéciale pour mettre la confédération en état de les protéger contre les exigences et les persécutions des cantons, et c’est le tribunal fédéral qui est chargé de la leur appliquer. Le droit de cité n’est jusqu’à ce jour en Suisse qu’un véritable droit de bourgeoisie, un droit tout personnel attaché à l’origine ou arbitrairement conféré par la commune ou par le canton. Le Suisse établi appartient toujours à son domicile d’origine, et ce n’est que par tolérance qu’on le reçoit sur un autre sol. Si ses liens viennent à se briser avec le canton de son origine sans qu’il parvienne à en contracter de nouveaux avec le canton où il réside, le voilà désormais vagabond et sans patrie. Lors même qu’il ne tombe pas dans cette situation bizarre, les difficultés qu’il rencontre dans le lieu de son établissement lui en rendent souvent le séjour impossible.

D’après la constitution régnante, aucun Suisse n’a le droit de s’établir dans un canton quelconque, s’il n’est muni d’un acte d’origine, d’un certificat de bonne vie et mœurs, d’une attestation qu’il jouit des droits civils et qu’il n’est pas légalement flétri. Ni les faillis, ni les individus mis en tutelle ne jouissent du droit d’établissement. Certains cantons d’ailleurs imposent aux nouveau-venus des cautionnemens onéreux, des charges exceptionnelles. Ces sévérités sont excessives, et le nouveau projet réduit les conditions d’établissement aux deux que voici : n’avoir pas éprouvé de condamnation judiciaire, n’être pas dans un état d’indigence qui vous fasse tomber à la charge du public ; il retire en outre aux cantons le droit d’expulsion ou de bannissement, tant pour les indigènes que pour les étrangers établis ; ces derniers seulement peuvent être éloignés par arrêt de justice ou pour cause d’indigence. En s’établissant dans un canton étranger, les Suisses entreront en jouissance de tous les droits exercés par les indigènes, sauf pourtant la participation aux biens des communes, qui est, dans chaque famille, une sorte de patrimoine héréditaire.

Mais ici un nouvel embarras se présente. Il y a, dans ce pays hérissé de vieilles lois et de vieilles traditions locales, des cantons qui n’accordent pas le droit de vote à ceux de leurs ressortissans qui viennent à s’établir dans une autre commune, de sorte qu’en prescrivant l’égalité des droits pour le Suisse établi et pour l’indigène, il se trouve quelquefois qu’on n’a rien fait du tout. Il est donc nécessaire que la législation de chaque canton fixe un minimum de droits pour tous ceux qui habitent le territoire, ou sinon il faut prescrire, avec le projet de révision, que le Suisse établi deviendra électeur après un établissement d’uns certaine durée ; le