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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/840

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provient d’un tel semis possède, il est vrai, le port, le feuillage, les piquans épineux du bigaradier, mais les fruits qu’il porte, bien qu’ils n’aient jamais entièrement la saveur des fruits de la plante-mère, n’ont jamais non plus l’amertume de ceux de l’espèce sauvage. On devrait au moins, par un grand nombre de semis successifs, obtenir des plantes se rapprochant de plus en plus du type fondamental de l’espèce, c’est-à-dire de l’oranger à fruits amers ; jusqu’à présent l’expérience ne semble pas confirmer cette possibilité. Il faut donc admettre, ou que l’orange douce provient réellement d’une espèce particulière qui ne diffère du bigaradier que par les qualités de son fruit, ou que la variété formée possède une bien étonnante stabilité.

La récolte des oranges s’opère rapidement et sans difficulté. Malgré l’émigration incessante vers les deux Amériques, la population surabonde aux Açores, et la main-d’œuvre y est à très bon marché. Les oranges, cueillies avec soin, sont transportées au magasin d’emballage. Ce travail est accompli par des bandes d’hommes, de femmes, d’enfans, qui portent sur la tête ou sur l’épaule de lourds paniers chargés de fruits et courent nu-pieds jusqu’au lieu du dépôt. Là chaque orange est enveloppée d’une feuille sèche de maïs et mise en caisse. La forme des caisses a complètement changé dans l’intervalle de mes deux voyages aux Açores. Jusqu’en ces dernières années, on se servait de grandes caisses à faces rectangulaires pouvant, suivant les années, contenir de 700 à 900 oranges de la variété commune. Le fruit est d’autant plus gros que l’été s’est montré plus humide. Des planchettes minces et flexibles formaient un couvercle bombé, assez peu solide, dans la concavité duquel on logeait presque autant d’oranges que dans la caisse elle-même. On disait, pour justifier cette singulière disposition, que l’air circulait plus facilement entre ces planchettes qu’entre les pièces de bois de la caisse proprement dite, et que c’était une condition indispensable à la conservation des oranges ; en réalité, l’origine de cet usage doit être cherchée dans le désir d’éluder le paiement d’une partie de la taxe de sortie. Les anciens règlemens administratifs imposaient les oranges par caisses d’une capacité donnée ; dès lors il était admis qu’on était fidèle à la lettre, sinon à l’esprit de la loi en donnant aux caisses la dimension maxima et en les surmontant d’un énorme couvercle. Les caisses ainsi construites ne pouvaient se juxtaposer exactement ; elles occupaient donc dans un navire un volume supérieur à leur cubage véritable. En outre elles étaient trop volumineuses, trop flexibles ; quand elles étaient empilées, les oranges s’y écrasaient souvent. Une application plus intelligente des droits de douane a fait définitivement renoncer aux