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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/87

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PHILIPPE.


si ce jeune homme était aussi charmant qu’elle le dépeignait, il ne pouvait qu’approuver le choix de sa fille. Ce n’était pas tout. Dans la lettre qu’elle avait reçue la veille même en réponse à celle où elle lui apprenait le nom de Philippe et où elle lui racontait la démarche qu’elle avait faite auprès de la famille de son fiancé, M. de Reynie écrivait, avec un ton d’émotion qui avait frappé Elsie, que nul mariage ne pouvait le rendre plus heureux, car il avait connu autrefois, lorsqu’il était en France, Mme et Mlle d’Hesy et leur avait gardé la plus respectueuse et la plus reconnaissante affection. — Voilà qui est d’un hon augure, s’écria joyeusement Philippe quand Elsie le lui apprit, et c’est assez surprenant. Elles ne m’ont jamais dit qu’elles eussent connu M. de Reynie.

— Ah ! fit Elsie.

— Et cependant, je crois vous l’avoir déjà dit, lorsque j’ai prononcé pour la première fois le nom de votre père devant ma sœur, elle m’a paru soudainement émue.

Elsie tressaillit. — Oui vraiment, vous me l’avez dit. Philippe ne voyait en cela rien d’étrange ou de dangereux, car il se pencha vers Elsie avec malice, tout en mettant un doigt sur ses lèvres. — Chut ! dit-il, il a peut-être été amoureux d’elle autrefois, et elle amoureuse de lui.

— Peut-être, fit Elsie, qui réfléchissait toujours.

— Ce serait tant mieux alors, reprit Philippe. Ils ne contrarieraient pas notre mariage. — Il sourit en baissant la voix : — Dites donc, Elsie, en se retrouvant, s’ils allaient s’aimer encore ! cela ferait deux mariages au lieu d’un.

— Oui, dit elle distraitement.

— Ah ! s’écria Philippe, comme s’il fût passé tout à coup à une autre idée, je voudrais bien que votre père arrivât. Je ne serai tranquille que lorsqu’il m’aura vu.

— De quoi avez-vous peur ?

— J’ai peur de ne pas lui plaire. Il ne sait pas comment je suis. Elle le regarda. — Je lui ai fait votre portrait.

— Et lui, comment est-il ?

— Il est très bien, d’une jolie taille, élégant. — Elle l’examina plus attentivement. — Oui, il a quelque chose de vous, de vos yeux, de votre sourire.

— C’est pour cela que je vous ai plu, sans doute ? Elle ne répondit pas.

— Oh ! Elsie, reprit Philippe, je me sens tout tremblant lorsque je pense que notre bonheur est si proche. Nous avons été bien heureux en nous aimant; nous allons l’être davantage. Nous ne nous voyions que dans le monde et dans les fêtes, j’avais l’enivrement