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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/971

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secret notre ambassadeur à Dresde pour qu’il fasse entendre qu’il dépend du cabinet de Vienne que cette requête obtienne la réponse que je désire lui donner ? — M. Drouyn de Lhuys s’incline. — Pourtant, continue l’empereur, il sera nécessaire de parler aussi à Berlin des garanties que M. de Bismarck est disposé à nous donner dans le cas où les vues de sa politique se réaliseraient en Allemagne. Vous savez de quelle manière évasive on a traité ce sujet à Berlin. : — L’empereur se lève et congédie son ministre en lui tendant la main. — Je ne puis me mêler directement de tout cela, se dit-il à lui-même, il faut que je laisse aller les événemens ; si mon veto n’était pas écouté, je serais obligé de livrer un combat terrible, et après ? .. Oui, il faut que j’essaie de diriger les événemens par une action prudente et mesurée. — Il s’approche d’un buste de César qui se trouve dans son cabinet, et le regarde longtemps tristement. — Grand idéal de ma maison, je dirai encore une fois comme toi : Alea jacta est, mais, continue-t-il assombri, tu jetais toi-même les dés, et tu les forçais à tomber comme tu voulais ; les miens sont jetés par la main d’une destinée impitoyable, et il faut que je les accepte comme ils tombent…

Le tableau ne serait pas complet, si nous n’étions témoins et outre des incertitudes et des bonnes intentions du roi George de Hanovre, ce modèle des vieux princes allemands qu’un écrivain de leur pays nous montre mettant la nuit un bonnet de coton sur la couronne qui leur a poussé tout naturellement sur la tête, pour reposer en paix avec les peuples endormis à leurs pieds. — « Bonjour, père ! » crient les peuples en s’éveillant, et ces princes-là de répondre : « Bonjour, mes enfans ! » — Le bon roi aveugle est surpris par les préludes de la guerre dans les vertes allées de son beau parc de Herrenhausen, ce Versailles en miniature créé par Le Nôtre, où il se promène appuyé sur un bras ami, au milieu des fleurs, des opulens ombrages, de sa famille chérie, des tombeaux vénérés des ancêtres. Le comte de Platen, l’opinion publique, l’armée surtout, le poussent à l’alliance contre l’Autriche ; mais les excellens conseils de M. le conseiller de régence Meding conspirent avec ses sympathies personnelles pour le rapprocher de la Prusse. Si M. Meding est, comme on le prétend, l’auteur du roman, il ne s’est assurément pas calomnié dans cette galerie de portraits où figure le sien. Il s’attribue toutes les sincérités, toutes les prévoyances, tous les courages ; il presse le roi de conclure ce traité de neutralité qui, rédigé à temps, en s’assurant le concours de l’électeur de Hesse et du grand-duc d’Oldenbourg, eût empêché l’annihilation du Hanovre, assuré peut-être l’indépendance de la nouvelle Allemagne. Il refuse de croire à la victoire de l’Autriche, il démêle le profond égoïsme de la politique anglaise, il sauverait tout, mais sur ces