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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/983

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 avril 1873.

Il y a d’étranges phénomènes dans la politique, et la logique supérieure qui gouverne le monde se perd quelquefois dans de singulières incohérences. Certes, s’il est un événement qui dût sembler de nature à exercer une influence favorable et calmante, c’est cette libération prochaine du territoire dont l’assemblée se faisait honneur à elle-même l’autre jour en se rendant cette justice, qu’elle avait heureusement accompli la moitié de sa tâche « avec le concours de l’illustre président de la république. » Depuis deux ans, c’est le but où tendent tous les efforts, c’est la pensée qui domine toutes les volontés. Au milieu des agitations, des contradictions, qui ont survécu à la guerre étrangère et à la guerre civile, cette idée de délivrer le sol d’une occupation douloureuse reste le frein tout-puissant, la règle souveraine et irrésistible, parce que c’est l’idée nationale elle-même. Avant tout, la France a voulu se ressaisir, remonter la pente de cet abîme où elle a été un instant précipitée. Elle y est arrivée, non sans peine, avec beaucoup de sagesse et de modération, en sachant faire des concessions et des sacrifices, surtout en décourageant les impatiens et les violens de tous les partis. C’est le triomphe du patriotisme, ayant cette fois pour premier ministre un homme éminent par l’esprit autant que par l’expérience, et puisqu’on en est arrivé là par, une sagesse un peu forcée, mais après tout acceptée, il semblerait assez naturel de ne pas compromettre aussitôt dans des aventures nouvelles cette liberté et cette paix si péniblement reconquises, de ne pas se hâter de rompre avec cette politique de transaction et de mesure qui a rendu la France à elle-même.

Eh bien ! non, ce n’est pas ainsi. Au lieu de se calmer et de se relever sous l’aiguillon généreux d’un patriotisme désintéressé, on se livre à toutes les vulgaires irritations de l’esprit de parti. Au lieu d’aller simplement, franchement, aux grandes et sérieuses affaires d’où dépendent la sécurité et l’honneur du pays, on s’épuise dans toutes les tactiques