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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/993

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riverait est bien facile à pressentir. Ils auraient probablement compromis de la façon la plus sérieuse tout ce qu’ils prétendent servir, la république, le suffrage universel et Paris lui-même : ils auraient justifié d’un seul coup ceux qui ne cessent de proclamer que ce qu’on appelle la république conservatrice est une chimère, qu’il n’y a d’autre alternative que le radicalisme ou la monarchie. Ils auraient fourni tout au moins un nouveau prétexte à ceux qui ne demandent pas mieux que de voir Paris commettre des fautes et justifier leurs méfiances, à ceux qui déclarent que le suffrage universel, tel qu’il existe, sans règle, sans garantie et sans organisation, ne peut conduire qu’à de périlleuses aventures. Si les radicaux pouvaient triompher, ils effraieraient la province, ils mettraient tous les intérêts en alarme, cela n’est point douteux, et, au lieu de hâter la dissolution de l’assemblée comme ils le croient, ils pourraient bien plutôt peut-être prolonger son existence en lui donnant une force nouvelle, en réveillant tous les instincts conservateurs ralliés autour d’elle.

On aurait donné une leçon au gouvernement, c’est possible. Et après ? Le gouvernement ne resterait-il pas le représentant de la France d’accord avec l’assemblée ? On aurait réussi tout au plus à pousser Paris dans un piège par fanatisme de parti, à l’entraîner dans une manifestation qui serait certainement une faute politique des plus graves, qui le compromettrait lui-même, qui rendrait la république suspecte. Puis enfin, qu’on nous permette de l’ajouter, il y a une dernière raison qui n’a rien de politique, qui est toute morale ou intellectuelle, et qui n’est pas sans valeur : on propose véritablement à Paris de se donner un effroyable ridicule devant le monde en paraissant même hésiter entre M. de Rémusat et M. Barodet. Paris, après avoir été une brillante et lumineuse Athènes, veut-il passer pour une capitale de Béotiens ? Consent-il à mettre bas sa couronne de cité de l’esprit ? Franchement, mettre en doute tant d’intérêts, la sécurité d’un pays si éprouvé, la considération d’un gouvernement qui vient de préparer la délivrance du territoire français, la réputation d’une ville, et tout cela pour jouer un bon tour à l’assemblée de Versailles ou pour venger M. Barodet déchu de sa mairie centrale, c’est beaucoup, — beaucoup plus que le bon sens public ne devrait en permettre à des hommes qui se mêlent de politique.

Cependant au milieu de toutes les agitations de la politique Paris, le vrai et vieux Paris de l’esprit et des arts, de l’intelligence, de l’étude et de la sociabilité supérieure, ce Paris se sent par intervalles encore vivant ; il s’émeut d’une fête académique ou de la disparition soudaine d’un des plus brillans talens contemporains. Certes tout se réunissait pour donner un lustre particulier à cette séance académique de l’autre jour. Le nouvel élu, qui entrait à l’Institut ayant pour témoins M. le président de la république et M. Guizot, était un prince, et ce prince, vrai fils de son siècle, ne s’est pas borné à être un vaillant soldat au